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La Presse Le vendredi 02 novembre 2007

 

Le motel Canada vit ses dernières heures. Comme nous l'apprenait l'émission Infoman la semaine dernière, le gîte du boulevard Taschereau, réputé pour ses chambres thématiques particulièrement kitsch, fermera ses portes le 4 novembre, après 47 ans d'activités. Il a été vendu à une «grosse compagnie» qui n'a probablement pas l'intention d'en faire un musée.

L'affaire aurait pu en rester là, si des psychotroniques bienveillants ne s'en étaient pas mêlés. Pressée par Infoman de trouver une solution, l'amazone du kitsch mont- réalais, Roxanne Arsenault, a carrément décidé de lancer une pétition visant à protéger le motel d'une probable destruction.

 

«Le motel Canada n'est pas seulement un des derniers motels de la région métropolitaine, explique Mme Arsenault, qui écrit actuellement une thèse sur le kitsch au Québec. C'est un des rares motels qui s'est donné la peine d'être créatif avec son environnement.»

 

On ne lui fait pas dire. Avec ses baignoires en forme de coeur, ses chambres en rondins style bûcheron, ses lits encastrés dans des bagnoles des années 50 et ses décorations victorienne ou polynésienne, le motel Canada fait effectivement figure d'exception. Sa réputation est largement due à sa décoration unique et farfelue. Sur 53 chambres, l'endroit comprend une douzaine de pièces thématiques, dont sept suites.

 

Mais la valeur du motel Canada ne s'arrête pas là, de dire Roxanne Arsenault. C'est aussi un des derniers îlots de poésie et de folie sur une des artères les plus laides du Québec.

 

«On a intérêt à préserver ce qui reste de beau sur le boulevard Taschereau, estime Mme Arsenault. Ce boulevard, c'est le royaume du stationnement et de l'architecture récente. Tout le monde se demande comment le revaloriser et là, on parle de raser un des seuls éléments historiques, un des seuls endroits qui a encore des arbres dans ce paysage d'asphalte. Si on fait ça, on va le rendre comme n'importe quel coin de rue dans les environs.»

 

Une décision réfléchie

Au motel Canada, on se dit surpris de voir tout le branle-bas autour de cette vente. D'abord Infoman, puis la pétition, et maintenant La Presse et The Gazette qui s'en mêlent. La propriétaire, Ginette Simard, n'en demandait pas tant.

 

«On savait pas qu'on était aimés autant que ça», résume la dame de 57 ans, un peu dépitée par notre appel téléphonique. Mais cette preuve d'affection ne suffit pas à lui faire regretter son geste. Si elle admet être «nostalgique par moments», la vente du motel est, selon elle, le fruit d'une décision mûrement réfléchie.

 

«Ça fait 47 ans qu'on existe, explique-t-elle. Mon père, qui a fondé la place, a 86 ans. Et moi j'y travaille depuis que j'ai 11 ans. C'est pas que les affaires allaient mal, mais il n'y a pas de relève. À un moment donné, il faut savoir s'arrêter.»

 

Fondé en 1960, le motel Canada est, comme L'oiseau bleu, la Siesta ou Oscar, un des nombreux motels à avoir été construits après la guerre sur le boulevard Taschereau.

 

C'était l'essor de la banlieue et de l'automobile, époque du rêve américain et des premiers disques de Michèle Richard. On construisait des motels en périphérie de Montréal, pour faciliter la vie aux voyageurs.

 

Au fil des ans, le motel Canada gagné en personnalité. À partir de 1967, les rénovations se sont faites dans un esprit thématique, suivant l'exemple de plusieurs motels américains. «Mon père fait n'importe quoi, mon mari fait n'importe quoi. On avait le kit parfait pour refaire nos chambres de cette façon-là!» lance Mme Simard, d'un ton mi-figue, mi-raisin.

 

Ce «n'importe quoi» devait avoir de la valeur, puisqu'on y a tourné quelques émissions de télé et des longs métrages. Mais ces dernières années, les propriétaires semblaient plus méfiants, interdisant d'y filmer ou de prendre des photos.

 

Coauteure du livre Motel Univers, hommage photographique aux hôtels «vintage» du Québec, Olga Duhamel-Noyer se souvient avoir été chassée sans ménagement par les gens de la place lorsqu'elle s'est pointée avec son photographe. «Ils ont été mal-aimables» résume-t-elle, encore un peu déçue. Résultat: on ne trouve aucune photo du mythique motel dans son bouquin.

 

Peut-être, en effet, était-il temps pour Mme Simard et son père Maurice Généreux de fermer boutique.

 

Kitsch et patrimoine

 

Roxanne Arsenault ne sait pas si sa pétition portera fruits. Mais elle sait que ce genre «d'action concrète» est souvent la seule façon de «faire bouger les dossiers». Surtout si elle profite d'une certaine couverture médiatique.

 

Selon l'étudiante (qui est aussi coordonnatrice d'une galerie d'art, chanteuse de hip hop et animatrice à CISM!), il est grand temps que la culture rétro soit reconnue à sa juste valeur, ce qui la rendrait digne d'être sauvegardée, au même titre que certains bâtiments dits «historiques».

 

«Il s'agit pour moi de voir comment on pourrait intégrer la notion de kitsch à la notion de patrimoine, explique-t-elle. Vrai que le patrimoine implique généralement une architecture noble et des matériaux de qualité. Mais les lieux kitsch ne sont pas anodins pour autant. Ils appartiennent à un contexte historique et socioculturel.»

 

Chez Héritage Montréal, où l'on appuie officiellement la pétition, on va dans le même sens. «Faut-il classer tous les vieux motels qui ont une intention poétique? C'est à voir, lance son directeur Dinu Bumbaru. Sans dire que leur valeur est absolue, ce sont des édifices qui devraient être systématiquement documentés avant que quiconque ne songe à les détruire. Qui, par exemple, imaginerait le Madrid disparaître? Ces lieux, comme le motel Canada, font partie de notre imaginaire.»

 

Aux États-Unis, c'est quelque chose qu'on a déjà compris. Même si plusieurs motels vintage ont été rasés, d'autres ont été rénovés par des hipsters, qui mesurent bien le potentiel commercial et touristique de ces lieux anachroniques.

 

Ce n'est visiblement pas le cas des propriétaires du motel Canada qui, après près d'un demi-siècle d'activités, ont cessé de voir le charme de leur établissement. Mme Simard ne sait pas ce qu'il adviendra de son terrain et avoue qu'elle«"aimerait bien le savoir». Mais une chose est sûre: elle espère que la fermeture de son motel se fera discrètement, sans faire plus de bruit.

 

«On veut s'éteindre tranquillement, dit-elle. Que voulez-vous. C'est comme ça. On est comme ça de nature.

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