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La crise du logement est l’aboutissement de 35 ans d’échec politique

https://media2.ledevoir.com/images_galerie/nwd_1416591_1088141/image.jpgOlivier Zuida Le Devoir Projet Montréal doit intervenir avec force dans le mégaprojet du secteur Bridge-Bonaventure pour éviter de perpétuer les échecs politiques du passé.

Steven High

L’auteur est professeur d’histoire à l’Université Concordia et auteur de Deindustrializing Montreal : Entangled Histories of Race, Residence and Class («Désindustrialiser Montréal. Récits croisés sur la race, la résidence et la classe»), paru aux Presses des Universités McGill et Queen’s en 2022.

28 octobre 2022Idées

L’embourgeoisement n’est pas seulement l’arrivée de gens de la classe moyenne dans les quartiers les plus pauvres d’une ville suivie d’une augmentation des loyers et de la valeur des propriétés. Les allégements fiscaux, les infrastructures vertes et d’autres efforts de restructuration urbaine pilotés par l’État contribuent également à ce phénomène. En termes simples, l’actuelle crise du logement à Montréal est le fruit de politiques intentionnelles et, lorsqu’on considère le mégaprojet immobilier du secteur Bridge-Bonaventure, qui propose essentiellement un Griffintown 2.0, c’est comme si on n’avait tiré aucune leçon des 35 dernières années.

Au début des années 1980, la mixité sociale s’impose comme l’un des piliers de l’urbanisme progressif. Elle part de l’idée première selon laquelle la « culture de la pauvreté » emprisonne les personnes démunies dans un cycle intergénérationnel. Cette hypothèse veut que la fréquentation de gens prospères issus de la classe moyenne favorise la transmission de certaines valeurs gagnantes de cette classe aux personnes démunies. Les travaux de recherche la contredisent.

Il est renversant de constater l’absence de compréhension structurelle des causes profondes de la pauvreté de même que l’indifférence à l’égard des effets d’un afflux massif de gens de la classe moyenne dans les quartiers démunis : le prix des loyers explose, la valeur des propriétés et les taxes foncières augmentent, le nombre de propriétés locatives diminue, les commerces deviennent plus huppés et les associations de quartier se détournent des résidents moins bien nantis. Enfin, les plus pauvres finissent par être expulsés de leur quartier vers la périphérie de la ville.

La reconversion des quartiers populaires

 

Comme je l’explique dans mon nouveau livre sur l’histoire du changement urbain à Montréal, les années 1980 et 1990 ont été un moment charnière. Le Sommet économique de Montréal de mars 1986 a fourni une couverture politique pour lever le moratoire sur la conversion de logements en copropriétés, en vigueur depuis 1975. Cette décision politique permettait aux propriétaires de convertir leurs logements locatifs en copropriétés. La Ville s’est justifiée en soutenant que cela améliorerait son parc de logements vieillissant et stimulerait l’économie montréalaise. Beaucoup de fonds publics ont également été investis dans le réaménagement de terrains industriels et ferroviaires afin de convaincre les propriétaires de classe moyenne de revenir au centre-ville.

 

L’arrondissement du Sud-Ouest, à Montréal, en est une manifestation éclatante. La transformation postindustrielle du canal de Lachine était un puissant argument de vente pour les promoteurs qui cherchaient à attirer une clientèle de jeunes professionnels dans le secteur. Il représentait une infrastructure verte essentielle à l’embourgeoisement, mais il s’est soldé par la reconversion des quartiers populaires du sud-ouest de l’île.

Parmi les premiers secteurs touchés par l’embourgeoisement, on trouve la Petite-Bourgogne qui, dans les années 1980, a peu à peu acquis une réputation de « ghetto » racisé, supposément la version québécoise de Harlem, à New York, ou de Watts, à Los Angeles. Le bord du canal et les anciens terrains ferroviaires qui passaient autrefois au beau milieu du quartier ont été réaménagés pour la classe moyenne avec des deniers publics, créant ainsi un quartier ségrégué. Lorsqu’on marche sur la rue Notre-Dame Ouest aujourd’hui, peut-on vraiment dire que ses commerces s’adressent aux deux groupes séparés par ce clivage racial et social ?

Ce changement de politique n’est pas survenu sans une résistance des gens du quartier. Toutefois, les relations sont devenues de plus en plus tendues entre les militants locaux qui étaient convaincus qu’il fallait gérer le changement et ceux pour qui c’était une impasse politique et économique.

Le précédent de la Copak

 

Un tournant important est survenu en 1987 quand le bruit a couru que l’Université McGill souhaitait transformer en résidence étudiante l’ancienne usine Copak, située près du métro Lionel-Groulx dans Saint-Henri. Malgré l’opposition du Projet d’organisation populaire, d’information et de regroupement (POPIR), d’autres groupes locaux ont cherché à négocier des conditions favorables pour compenser cette perte d’espace industriel et l’arrivée d’une population étudiante principalement issue de la classe moyenne dans l’un des quartiers les plus pauvres de Montréal. En définitive, McGill a accepté de verser 500 000 $.

Avec ce précédent de la Copak, on a ouvert la voie à l’accommodement à l’embourgeoisement dans la communauté et à un avenir sans quartiers populaires au centre-ville. À l’époque, Jean-Pierre Wilsey, de la POPIR, tirait déjà la sonnette d’alarme : « Devons-nous participer à la vente à la pièce de nos quartiers sous prétexte que le promoteur nous donnera de l’argent ? »

Cet accommodement à l’embourgeoisement s’est consolidé en 2005 sous la forme d’une politique municipale exigeant l’inclusion de 15 % de logements sociaux pour tout grand projet de copropriété (mais pas nécessairement au sein du projet). On cite parfois cet accommodement comme un « modèle québécois », alors qu’en réalité il a été absolument incapable de protéger les personnes les plus vulnérables et a entraîné la situation actuelle.

Au cours du mois, l’Office de la consultation publique de Montréal s’est payé de coûteux espaces publicitaires dans les journaux pour célébrer ses 20 ans d’existence. Malheureusement, je n’ai pas le coeur à la fête, car l’Office a grandement contribué à légitimer le processus menant à la crise du logement actuelle. Projet Montréal doit intervenir avec force dans le mégaprojet du secteur Bridge-Bonaventure pour éviter de perpétuer les échecs politiques du passé.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.

https://www.ledevoir.com/opinion/idees/768247/idees-la-crise-du-logement-est-l-aboutissement-de-35-ans-d-echec-politique?

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Le 2023-08-07 à 08:53, Weka 29 a dit :

L'idée d'un sommet du logement pourrait être excellente. À ma connaissance, une telle chose n'a jamais eu lieu. Ma réserve (par rapport aux sommets en général) est que si les différents paliers gouvernementaux ne sont là que pour épater la galerie et faire de la relation publique électoraliste, ça n'aboutira pas. Mais si tous sont de bonne foi et veulent vraiment régler cet enjeu social et économique majeur, ce sommet pourrait se traduire en actions concrètes. 

Puisqu'on en parle, j'ai voulu ajouter à titre informatif l'article du Devoir ci-joint qui donne une version du problème de la crise du logement et ses origines.

Donc avant d'entreprendre un sommet il est nécessaire de bien comprendre la problématique qui a donné naissance à la crise actuelle.

https://www.ledevoir.com/opinion/idees/768247/idees-la-crise-du-logement-est-l-aboutissement-de-35-ans-d-echec-politique?

La crise du logement est l’aboutissement de 35 ans d’échec politique

 

https://media2.ledevoir.com/images_galerie/nwd_1416591_1088141/image.jpgOlivier Zuida Le Devoir

Projet Montréal doit intervenir avec force dans le mégaprojet du secteur Bridge-Bonaventure pour éviter de perpétuer les échecs politiques du passé.

Steven High

L’auteur est professeur d’histoire à l’Université Concordia et auteur de Deindustrializing Montreal : Entangled Histories of Race, Residence and Class («Désindustrialiser Montréal. Récits croisés sur la race, la résidence et la classe»), paru aux Presses des Universités McGill et Queen’s en 2022.

28 octobre 2022Idées

L’embourgeoisement n’est pas seulement l’arrivée de gens de la classe moyenne dans les quartiers les plus pauvres d’une ville suivie d’une augmentation des loyers et de la valeur des propriétés. Les allégements fiscaux, les infrastructures vertes et d’autres efforts de restructuration urbaine pilotés par l’État contribuent également à ce phénomène. En termes simples, l’actuelle crise du logement à Montréal est le fruit de politiques intentionnelles et, lorsqu’on considère le mégaprojet immobilier du secteur Bridge-Bonaventure, qui propose essentiellement un Griffintown 2.0, c’est comme si on n’avait tiré aucune leçon des 35 dernières années.

Au début des années 1980, la mixité sociale s’impose comme l’un des piliers de l’urbanisme progressif. Elle part de l’idée première selon laquelle la « culture de la pauvreté » emprisonne les personnes démunies dans un cycle intergénérationnel. Cette hypothèse veut que la fréquentation de gens prospères issus de la classe moyenne favorise la transmission de certaines valeurs gagnantes de cette classe aux personnes démunies. Les travaux de recherche la contredisent.

Il est renversant de constater l’absence de compréhension structurelle des causes profondes de la pauvreté de même que l’indifférence à l’égard des effets d’un afflux massif de gens de la classe moyenne dans les quartiers démunis : le prix des loyers explose, la valeur des propriétés et les taxes foncières augmentent, le nombre de propriétés locatives diminue, les commerces deviennent plus huppés et les associations de quartier se détournent des résidents moins bien nantis. Enfin, les plus pauvres finissent par être expulsés de leur quartier vers la périphérie de la ville.

La reconversion des quartiers populaires

 

Comme je l’explique dans mon nouveau livre sur l’histoire du changement urbain à Montréal, les années 1980 et 1990 ont été un moment charnière. Le Sommet économique de Montréal de mars 1986 a fourni une couverture politique pour lever le moratoire sur la conversion de logements en copropriétés, en vigueur depuis 1975. Cette décision politique permettait aux propriétaires de convertir leurs logements locatifs en copropriétés. La Ville s’est justifiée en soutenant que cela améliorerait son parc de logements vieillissant et stimulerait l’économie montréalaise. Beaucoup de fonds publics ont également été investis dans le réaménagement de terrains industriels et ferroviaires afin de convaincre les propriétaires de classe moyenne de revenir au centre-ville.

 

L’arrondissement du Sud-Ouest, à Montréal, en est une manifestation éclatante. La transformation postindustrielle du canal de Lachine était un puissant argument de vente pour les promoteurs qui cherchaient à attirer une clientèle de jeunes professionnels dans le secteur. Il représentait une infrastructure verte essentielle à l’embourgeoisement, mais il s’est soldé par la reconversion des quartiers populaires du sud-ouest de l’île.

Parmi les premiers secteurs touchés par l’embourgeoisement, on trouve la Petite-Bourgogne qui, dans les années 1980, a peu à peu acquis une réputation de « ghetto » racisé, supposément la version québécoise de Harlem, à New York, ou de Watts, à Los Angeles. Le bord du canal et les anciens terrains ferroviaires qui passaient autrefois au beau milieu du quartier ont été réaménagés pour la classe moyenne avec des deniers publics, créant ainsi un quartier ségrégué. Lorsqu’on marche sur la rue Notre-Dame Ouest aujourd’hui, peut-on vraiment dire que ses commerces s’adressent aux deux groupes séparés par ce clivage racial et social ?

Ce changement de politique n’est pas survenu sans une résistance des gens du quartier. Toutefois, les relations sont devenues de plus en plus tendues entre les militants locaux qui étaient convaincus qu’il fallait gérer le changement et ceux pour qui c’était une impasse politique et économique.

Le précédent de la Copak

 

Un tournant important est survenu en 1987 quand le bruit a couru que l’Université McGill souhaitait transformer en résidence étudiante l’ancienne usine Copak, située près du métro Lionel-Groulx dans Saint-Henri. Malgré l’opposition du Projet d’organisation populaire, d’information et de regroupement (POPIR), d’autres groupes locaux ont cherché à négocier des conditions favorables pour compenser cette perte d’espace industriel et l’arrivée d’une population étudiante principalement issue de la classe moyenne dans l’un des quartiers les plus pauvres de Montréal. En définitive, McGill a accepté de verser 500 000 $.

Avec ce précédent de la Copak, on a ouvert la voie à l’accommodement à l’embourgeoisement dans la communauté et à un avenir sans quartiers populaires au centre-ville. À l’époque, Jean-Pierre Wilsey, de la POPIR, tirait déjà la sonnette d’alarme : « Devons-nous participer à la vente à la pièce de nos quartiers sous prétexte que le promoteur nous donnera de l’argent ? »

Cet accommodement à l’embourgeoisement s’est consolidé en 2005 sous la forme d’une politique municipale exigeant l’inclusion de 15 % de logements sociaux pour tout grand projet de copropriété (mais pas nécessairement au sein du projet). On cite parfois cet accommodement comme un « modèle québécois », alors qu’en réalité il a été absolument incapable de protéger les personnes les plus vulnérables et a entraîné la situation actuelle.

Au cours du mois, l’Office de la consultation publique de Montréal s’est payé de coûteux espaces publicitaires dans les journaux pour célébrer ses 20 ans d’existence. Malheureusement, je n’ai pas le coeur à la fête, car l’Office a grandement contribué à légitimer le processus menant à la crise du logement actuelle. Projet Montréal doit intervenir avec force dans le mégaprojet du secteur Bridge-Bonaventure pour éviter de perpétuer les échecs politiques du passé.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com.

Aussi pour mieux comprendre le problème voici un historique sur le sujet et un important extrait du texte:

 

__________

https://www.frapru.qc.ca/historique/

Une défaite qui laisse des traces durables (1991-1994)

En 1991, le FRAPRU entame sa bataille la plus importante à date, celle contre le retrait du gouvernement fédéral du financement de nouveaux logements sociaux. Dans son budget de 1990, le gouvernement progressiste conservateur toujours dirigé par Brian Mulroney avait commencé à couper dans les fonds destinés à ces logements. Il répète le manège dans son budget de 1991. C’en est trop...

 

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Il y a 6 heures, acpnc a dit :

Puisqu'on en parle, j'ai voulu ajouter à titre informatif l'article du Devoir ci-joint qui donne une version du problème de la crise du logement et ses origines.

Donc avant d'entreprendre un sommet il est nécessaire de bien comprendre la problématique qui a donné naissance à la crise actuelle.

https://www.ledevoir.com/opinion/idees/768247/idees-la-crise-du-logement-est-l-aboutissement-de-35-ans-d-echec-politique?

La crise du logement est l’aboutissement de 35 ans d’échec politique

 

https://media2.ledevoir.com/images_galerie/nwd_1416591_1088141/image.jpgOlivier Zuida Le Devoir

Projet Montréal doit intervenir avec force dans le mégaprojet du secteur Bridge-Bonaventure pour éviter de perpétuer les échecs politiques du passé.

Steven High

L’auteur est professeur d’histoire à l’Université Concordia et auteur de Deindustrializing Montreal : Entangled Histories of Race, Residence and Class («Désindustrialiser Montréal. Récits croisés sur la race, la résidence et la classe»), paru aux Presses des Universités McGill et Queen’s en 2022.

28 octobre 2022Idées

L’embourgeoisement n’est pas seulement l’arrivée de gens de la classe moyenne dans les quartiers les plus pauvres d’une ville suivie d’une augmentation des loyers et de la valeur des propriétés. Les allégements fiscaux, les infrastructures vertes et d’autres efforts de restructuration urbaine pilotés par l’État contribuent également à ce phénomène. En termes simples, l’actuelle crise du logement à Montréal est le fruit de politiques intentionnelles et, lorsqu’on considère le mégaprojet immobilier du secteur Bridge-Bonaventure, qui propose essentiellement un Griffintown 2.0, c’est comme si on n’avait tiré aucune leçon des 35 dernières années.

Au début des années 1980, la mixité sociale s’impose comme l’un des piliers de l’urbanisme progressif. Elle part de l’idée première selon laquelle la « culture de la pauvreté » emprisonne les personnes démunies dans un cycle intergénérationnel. Cette hypothèse veut que la fréquentation de gens prospères issus de la classe moyenne favorise la transmission de certaines valeurs gagnantes de cette classe aux personnes démunies. Les travaux de recherche la contredisent.

Il est renversant de constater l’absence de compréhension structurelle des causes profondes de la pauvreté de même que l’indifférence à l’égard des effets d’un afflux massif de gens de la classe moyenne dans les quartiers démunis : le prix des loyers explose, la valeur des propriétés et les taxes foncières augmentent, le nombre de propriétés locatives diminue, les commerces deviennent plus huppés et les associations de quartier se détournent des résidents moins bien nantis. Enfin, les plus pauvres finissent par être expulsés de leur quartier vers la périphérie de la ville.

La reconversion des quartiers populaires

 

Comme je l’explique dans mon nouveau livre sur l’histoire du changement urbain à Montréal, les années 1980 et 1990 ont été un moment charnière. Le Sommet économique de Montréal de mars 1986 a fourni une couverture politique pour lever le moratoire sur la conversion de logements en copropriétés, en vigueur depuis 1975. Cette décision politique permettait aux propriétaires de convertir leurs logements locatifs en copropriétés. La Ville s’est justifiée en soutenant que cela améliorerait son parc de logements vieillissant et stimulerait l’économie montréalaise. Beaucoup de fonds publics ont également été investis dans le réaménagement de terrains industriels et ferroviaires afin de convaincre les propriétaires de classe moyenne de revenir au centre-ville.

 

L’arrondissement du Sud-Ouest, à Montréal, en est une manifestation éclatante. La transformation postindustrielle du canal de Lachine était un puissant argument de vente pour les promoteurs qui cherchaient à attirer une clientèle de jeunes professionnels dans le secteur. Il représentait une infrastructure verte essentielle à l’embourgeoisement, mais il s’est soldé par la reconversion des quartiers populaires du sud-ouest de l’île.

Parmi les premiers secteurs touchés par l’embourgeoisement, on trouve la Petite-Bourgogne qui, dans les années 1980, a peu à peu acquis une réputation de « ghetto » racisé, supposément la version québécoise de Harlem, à New York, ou de Watts, à Los Angeles. Le bord du canal et les anciens terrains ferroviaires qui passaient autrefois au beau milieu du quartier ont été réaménagés pour la classe moyenne avec des deniers publics, créant ainsi un quartier ségrégué. Lorsqu’on marche sur la rue Notre-Dame Ouest aujourd’hui, peut-on vraiment dire que ses commerces s’adressent aux deux groupes séparés par ce clivage racial et social ?

Ce changement de politique n’est pas survenu sans une résistance des gens du quartier. Toutefois, les relations sont devenues de plus en plus tendues entre les militants locaux qui étaient convaincus qu’il fallait gérer le changement et ceux pour qui c’était une impasse politique et économique.

Le précédent de la Copak

 

Un tournant important est survenu en 1987 quand le bruit a couru que l’Université McGill souhaitait transformer en résidence étudiante l’ancienne usine Copak, située près du métro Lionel-Groulx dans Saint-Henri. Malgré l’opposition du Projet d’organisation populaire, d’information et de regroupement (POPIR), d’autres groupes locaux ont cherché à négocier des conditions favorables pour compenser cette perte d’espace industriel et l’arrivée d’une population étudiante principalement issue de la classe moyenne dans l’un des quartiers les plus pauvres de Montréal. En définitive, McGill a accepté de verser 500 000 $.

Avec ce précédent de la Copak, on a ouvert la voie à l’accommodement à l’embourgeoisement dans la communauté et à un avenir sans quartiers populaires au centre-ville. À l’époque, Jean-Pierre Wilsey, de la POPIR, tirait déjà la sonnette d’alarme : « Devons-nous participer à la vente à la pièce de nos quartiers sous prétexte que le promoteur nous donnera de l’argent ? »

Cet accommodement à l’embourgeoisement s’est consolidé en 2005 sous la forme d’une politique municipale exigeant l’inclusion de 15 % de logements sociaux pour tout grand projet de copropriété (mais pas nécessairement au sein du projet). On cite parfois cet accommodement comme un « modèle québécois », alors qu’en réalité il a été absolument incapable de protéger les personnes les plus vulnérables et a entraîné la situation actuelle.

Au cours du mois, l’Office de la consultation publique de Montréal s’est payé de coûteux espaces publicitaires dans les journaux pour célébrer ses 20 ans d’existence. Malheureusement, je n’ai pas le coeur à la fête, car l’Office a grandement contribué à légitimer le processus menant à la crise du logement actuelle. Projet Montréal doit intervenir avec force dans le mégaprojet du secteur Bridge-Bonaventure pour éviter de perpétuer les échecs politiques du passé.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com.

Aussi pour mieux comprendre le problème voici un historique sur le sujet et un important extrait du texte:

 

__________

https://www.frapru.qc.ca/historique/

Une défaite qui laisse des traces durables (1991-1994)

En 1991, le FRAPRU entame sa bataille la plus importante à date, celle contre le retrait du gouvernement fédéral du financement de nouveaux logements sociaux. Dans son budget de 1990, le gouvernement progressiste conservateur toujours dirigé par Brian Mulroney avait commencé à couper dans les fonds destinés à ces logements. Il répète le manège dans son budget de 1991. C’en est trop...

 

Merci pour cet article.

Vous mentionnez l'importance de bien comprendre la problématique qui a donné naissance à la crise actuelle. C'est très important, tout part de là. L'un des problèmes (parmi d'autres) est, je crois, qu'au niveau du gouvernement québécois on comprend mal ou on est peu sensibilisé à cette problématique. Hormis que l'on fasse un déni ou de l'aveuglement volontaire, ce qui serait pire. Quant aux paliers municipal et fédéral, je ne suis pas assez renseigné pour savoir si les politiciens et décideurs comprennent bien la problématique ou encore, s'ils font du déni.

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Le 2023-08-05 à 07:27, acpnc a dit :

Chacun a droit à ses idées et ses convictions,  les défendre n'est pas de l'arrogance mais de la détermination. C'est vrai que le programme n'a pas mené à plus de constructions sociales et abordables, mais au moins il a récolté un total de 21 millions qui pourront aider à financer la part de Montréal dans des ententes de projets avec les gouvernements supérieurs. À noter que c'est dans la métropole que le besoin de ce type de logements est le plus important au Québec.

J'ajouterais qu'on peut bien être en désaccord avec ce programme, mais s'opposer sans apporter de solutions concrètes et réalisables, ne fait qu'approfondir le déséquilibre et prolonger indument la crise du logement.

PM n'a pas le monopole des bonnes idées, mais qui s'élève pour en proposer de nouvelles?

En terminant, je déplore la faiblesse de l'Opposition à l'Hôtel de Ville qui est désorganisée et peu efficace depuis que Coderre l'a cavalièrement abandonnée après le dernier scrutin. Au lieu de jouer sincèrement le rôle de chef de l'Opposition comme on aurait dû s'y attendre dans notre système démocratique.

21 millions, c'est un peu maigres, en 2 ans. Avec 21 millions on construit pas des tonnes de logements. C'est mieux que rien, probablement. Mais c'est certainement en deça des possibilités avec un règlement plus inventif, et pas seulement simpliste. Certaines pistes de solutions sont évoquées ici : par exemple, si on oblige les promoteurs à ''fournir'' pour le logement abordable (je partage le principe), qu'on leur allège certaines autres contraintes! Tout le monde me voit venir, mais ça m'apparait une évidence : permettons plus de hauteur, pour absorber un peu!, Permettons plus de densité! 

Le manque de logements est dommageable pour la ville au complet. La religion anti-hauteur n'aide personne. Elle ne satisfait que qq obsédés d'une idée totalement abstraite et dont les tenants réels ne peuvent être ''appréciés'' que par des gens de la rive sud. 

Voilà une petite option toute simple qui ne demande que un changement de mentalité. 

 

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il y a une heure, MtlMan a dit :

21 millions, c'est un peu maigres, en 2 ans. Avec 21 millions on construit pas des tonnes de logements. C'est mieux que rien, probablement.

C'est effectivement bien peu, mais si la Ville essayait d'en obtenir plus les promoteurs crieraient à l'abus. C'est donc la démonstration que les constructeurs réussissent assez bien à contourner la politique municipale sans trop de mal.

D'ailleurs je ne vois nulle part dans les médias où les journalistes dénoncent cette politique comme certains le font ici sur Mtlurb, comme si c'était une plaie d'Égypte.

Donc la Ville est assez modeste dans ces demandes parce qu'elle sait très bien qu'il pourrait être hasardeux de déstabiliser le marché du grand Montréal en forçant les entrepreneurs à migrer en banlieue.

Cela dit il n'y a pas vraiment plus de projets importants en dehors de la ville, car les conditions économiques sont grosso modo les mêmes.

Quant à la volonté de densifier les projets, que ce soit par le COS ou des hauteurs supérieures, on s'entend la-dessus parce que sur le plan environnemental c'est gagnant afin d'éviter d'encourager davantage l'étalement urbain.

Ce qui m'amène à dire que nous voulons la même chose mais que nous l'exprimons différemment. D'ailleurs la valeur supérieure des grands terrains du centre-ville exigera toujours des édifices en hauteur afin de rentabiliser les importants investissements et minimiser les risques et les couts que comportent ce type de projets.

Alors vivement de belles grandes tours à l'architecture de qualité aussitôt que l'économie y sera plus favorable. :veryhappy:

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il y a 56 minutes, acpnc a dit :

C'est donc la démonstration que les constructeurs réussissent assez bien à contourner la politique municipale sans trop de mal.

Ce n'est rien en comparaison de ce qu'il en coûte à un promoteur en Ontario. Ce qui ne les empêche pas de construire parce que la demande demeure très forte là-bas.

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il y a une heure, acpnc a dit :

D'ailleurs je ne vois nulle part dans les médias où les journalistes dénoncent cette politique comme certains le font ici sur Mtlur

Ce n'est pas en étant abonné au Devoir, La Presse et la Pravda que tu trouveras des articles décriant le peu d'efficacité du 20 20 20 depuis son adoption. ;) 

https://www.journaldemontreal.com/2023/01/31/reglement-20-20-20-a-montreal-les-promoteurs-ne-veulent-pas-sengager-a-construire-des-logements-abordables#:~:text=Le règlement pour une métropole,familiaux dans leurs projets immobiliers.

https://pivot.quebec/2023/07/25/un-fiasco-aucun-logement-social-dans-97-des-projets-immobiliers-pour-une-metropole-mixte/

https://www.journaldemontreal.com/2023/01/31/reglement-20-20-20-a-montreal-les-promoteurs-ne-veulent-pas-sengager-a-construire-des-logements-abordables

etc, etc... 

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  • 1 mois plus tard...

Les navettes qui sont au terminus Mansfield (terrains en question) bougeront au 1000 à partir du 2 Oct. Bus de la rive-sud ne venant plus au terminus et selon le chauffeur des condos à venir sur l'ancien terminus. @budgebandit des nouvelles à partager?

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il y a une heure, sebastien106 a dit :

Les navettes qui sont au terminus Mansfield (terrains en question) bougeront au 1000 à partir du 2 Oct. Bus de la rive-sud ne venant plus au terminus et selon le chauffeur des condos à venir sur l'ancien terminus. @budgebandit des nouvelles à partager?

Est-ce quelqu'un sait à quel pourcentage le terminus du 1000 sera utilisé une fois que la poussière sera retombée?  Y aura-t-il encore assez d'autobus pour justifier son existence?

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il y a 3 minutes, ToxiK a dit :

Est-ce quelqu'un sait à quel pourcentage le terminus du 1000 sera utilisé une fois que la poussière sera retombée?  Y aura-t-il encore assez d'autobus pour justifier son existence?

Le transport interurbain illégal qui transite autour pourrait entrer à l'intérieur et concurrencer Berri-UQAM, plus central et moins violent.

Modifié par Brick
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