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I wholly respect people who speak their mind regardless of political correctness, and he was an honest man.

The true light of the PQ was shone on the night of 1995/10/30 mostly thanks to him.

 

I hope his surviving family can find peace in this time of sorrow.

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Membres prolifiques

Je ne crois pas que le discours de 1995 montrait "la vérité du PQ". Cette analyse réductrice, si souvent répétée par certains, répond surtout à l'éternel désir de délégitimer le nationalisme québécois par des gens qui sont contre l'idée d'indépendance.

 

C'est comme si on disait que la vérité du Parti libéral du Canada était la loi des mesures de guerre de 1970, où il y eu des centaines d'arrestations inutiles (ce qui est quand même pire que deux phrases indéfendables de Parizeau) ou que la vérité des conservateurs était l'exécution de Louis Riel et l'écrasement des métis, ou que la vérité des Anglophones montréalais s'est révélée le jour où ils ont brûlé le Parlement canadien, à Montréal, en 1849, par pure haine des francophones.

 

En disant cela, je ne cherche en rien à excuser Parizeau. Le pire, dans son cas, est qu'il n'a jamais voulu s'excuser et s'expliquer à fond, publiquement. Ça revenait à mettre son autorité morale derrière une évolution frileuse du PQ sur la question de l'immigration et de la diversité culturelle. Il s'est un peu racheté, tardivement, par son opposition ferme à la Charte des valeurs. (http://www.ledevoir.com/politique/quebec/389047/la-charte-va-trop-loin-estime-jacques-parizeau)

 

Il ne faut pas oublier que la plupart des péquistes, en 1995, ont été terriblement déçus, et blessés, par le discours de Parizeau, qui a eu l'effet de retirer complètement au PQ sa victoire morale d'avoir "presque gagné". Le plus étrange est que ce discours soit venu d'un homme cosmopolite, longtemps marié à une Polonaise, femme remarquable en tous points, dont il a eu deux fils qui sont donc québéco-polonais. Comme certains l'ont souligné, il y avait quelque chose de tragique de voir un homme défait nuire ainsi durablement à sa propre cause. Mais ce qu'il y a de plus remarquable dans la défaite des souverainistes en 1995, c'est bien l'absence de violence et l'acceptation du résultat. Il est loin d'être sûr qu'on aurait vu le même respect de la démocratie si le résultat avait été une victoire du oui.

 

Pour le reste, Parizeau a été un homme d'action remarquable, fier d'avoir jouer un rôle décisif dans la révolution tranquille et le premier gouvernement Lévesque. En contribuant à créer la Caisse de dépôt, la SGF et à parachever la nationalisation de l'électricité, il a posé certaines des bases les plus importantes du Québec économique moderne.

Modifié par uqam+
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Je ne crois pas que le discours de 1995 montrait "la vérité du PQ". Cette analyse réductrice, si souvent répétée par certains, répond surtout à l'éternel désir de délégitimer le nationalisme québécois par des gens qui sont contre l'idée d'indépendance.

 

C'est comme si on disait que la vérité du Parti libéral du Canada était la loi des mesures de guerre de 1970, où il y eu des centaines d'arrestations inutiles (ce qui est quand même pire que deux phrases indéfendables de Parizeau) ou que la vérité des conservateurs était l'exécution de Louis Riel et l'écrasement des métis, ou que la vérité des Anglophones montréalais s'est révélée le jour où ils ont brûlé le Parlement canadien, à Montréal, en 1849, par pure haine des francophones.

 

En disant cela, je ne cherche en rien à excuser Parizeau. Le pire, dans son cas, est qu'il n'a jamais voulu s'excuser et s'expliquer à fond, publiquement. Ça revenait à mettre son autorité morale derrière une évolution frileuse du PQ sur la question de l'immigration et de la diversité culturelle. Il s'est un peu racheté, tardivement, par son opposition ferme à la Charte des valeurs. (http://www.ledevoir.com/politique/quebec/389047/la-charte-va-trop-loin-estime-jacques-parizeau)

 

Il ne faut pas oublier que la plupart des péquistes, en 1995, ont été terriblement déçus, et blessés, par le discours de Parizeau, qui a eu l'effet de retirer complètement au PQ sa victoire morale d'avoir "presque gagné". Le plus étrange est que ce discours soit venu d'un homme cosmopolite, longtemps marié à une Polonaise, femme remarquable en tous points, dont il a eu deux fils qui sont donc québéco-polonais. Comme certains l'ont souligné, il y avait quelque chose de tragique de voir un homme défait nuire ainsi durablement à sa propre cause. Mais ce qu'il y a de plus remarquable dans la défaite des souverainistes en 1995, c'est bien l'absence de violence et l'acceptation du résultat. Il est loin d'être sûr qu'on aurait vu le même respect de la démocratie si le résultat avait été une victoire du oui.

 

Pour le reste, Parizeau a été un homme d'action remarquable, fier d'avoir jouer un rôle décisif dans la révolution tranquille et le premier gouvernement Lévesque. En contribuant à créer la Caisse de dépôt, la SGF et à parachever la nationalisation de l'électricité, il a posé certaines des bases les plus importantes du Québec économique moderne.

 

Très bien amené, UQAM+. Le seul problème que je remarque chez des gars comme Parizeau c'est d'être à cheval entre le mental du petit pain et celui de la modernité non-assumée du cosmopolitisme. Le petit peuple devrait se contenter d'être unilingue et l'élite a le droit de se frayer un chemin au travers les LSEconomics et Harvard sans danger d'extinction. C'est une forme bien-pensante de néo-colonialisme. Mais malgré cela, il a quand même pondu des choses importantes qui continuent de nous propulser.

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Montréaliste,

 

Je ne suis pas sûr que cette critique soit appropriée dans le cas de Parizeau. Un reportage montré hier rappelait à quel point il insistait pour que tous ses étudiants et collaborateurs soient parfaitement bilingues - ou plus - et séjournent à l'étranger.

 

D'où vient, d'ailleurs, cette idée que les élites péquistes tiennent à ce que le "petit peuple" soit unilingue ? Moi qui ai participé pendant des années au forum du Globe and Mail, je voyais constamment des unilingues anglophones écrire ce genre de trucs, alors que les Québécois francophones sont infiniment plus bilingues que les anglophones canadiens... Il ne faut pas confondre la défense du français et de la loi 101 avec un refus d'apprendre l'anglais.

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Belles interventions uqam+.

 

Ce qui est ironique, tragique même (au sens original du terme), c'est que malheureusement le pq est en train de se transformer en ce parti réducteur et refermé sur lui-même que, comme tu le soulignes, une certaine frange du ROC décriait largement à tort depuis des décennies.

 

Avec la débâcle de la charte, le pq s'est finalement abaissé au niveau qu'on lui reprochait indûment par le passé. C'est assez triste a voir. Peut être que Monsieur Parizeau a bien fait de nous quitter maintenant, ca lui évitera de voir la fin pathétique de ce triste processus démagogique.

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... Avec la débâcle de la charte, le pq s'est finalement abaissé au niveau qu'on lui reprochait indûment par le passé. C'est assez triste a voir. Peut être que Monsieur Parizeau a bien fait de nous quitter maintenant, ca lui évitera de voir la fin pathétique de ce triste processus démagogique.

 

Il ne faudrait pas juger trop vite. Il est vrai que la Charte a été un dérapage incroyable qui a fait reculer le capital de sympathie des québécois toutes origines confondues, vis à vis du PQ. Je l'ai déploré moi-même de façon répétée sur ce forum durant les débats. Mais réduire l'option péquiste à cette erreur de parcours ne serait pas moins une erreur. D'ailleurs lors du dernier congrès de cette formation, tout le monde s'est rallié à la vision plus juste et inclusive proposée par Bouchard-Taylor.

 

N'oublions pas non plus que le ROC a toujours voulu éviter ce genre de débat, qui aurait fort probablement révélé un côté moins glorieux de la belle pensée canadienne: unité dans la diversité. D'ailleurs la mentalité conservatrice, soutenue par sa base ultra religieuse, aurait certainement déchiré et mis en pièces la belle unanimité apparente, dans laquelle le pays aime bien se draper hypocritement.

 

Maintenant, même si j'ai mes propres réserves en ce qui concerne PKP, je vais lui donner sa chance de prouver qu'il est l'homme de la situation. Les temps changent et les batailles se gagnent différemment. L'information est devenue instantanée et omniprésente. En parallèle les grands débats d'idées ont fait place à un discours plus en surface et davantage à droite, grandement orienté sur l'économie. On ne parlera alors plus de véritables batailles de concepts politiques, mais de chiffres.

 

Cependant le défi n'en sera pas moins grand, puisqu'il faudra convaincre une majorité de québécois qu'on y gagnera au change sur le plan des finances publiques. Une mission que s'est donné Péladeau et qui sera probablement la plus déterminante pour l'avenir de la souveraineté. Surtout que la frilosité québécoise a toujours buté sur l'écueil qu'est le défi économique d'un Québec indépendant.

 

Personnellement je suis content qu'on arrive à cette étape que je qualifierait de cruciale dans la démarche nationaliste. Comme on dit: ça passe ou ça casse. Suite à cet examen indispensable, on aura l'heure juste sur tous les vrais enjeux qu'une autodétermination implique, et un choix plus éclairé du coût véritable sur le plan social, politique et économique.

 

Pour paraphraser Couillard, c'est ici qu'on parlera des vraies affaires.

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Oui, mais on dira que quand on a un nom de famille qui n'est pas Lemay-Thivierge, Bureau-Blouin, Miville-Dechesne, composé de deux franges de pure-laine, il y a une interrogation suspecte de la part d'un interlocuteur "québécois" de souche. Ça m'arrive constamment. Je suis souvent surpris de la borne qui s'installe de premier abord quand je dis mon nom à un collègue, et puis çà ça vaut pour Montréal; j'imagine ce que ça peut devenir en-dehors de notre bourgade. Il y a donc une incertitude qui persiste chez les anglos et les allos qui rédit le potentiel des souverainistes. C'est clair que l'isolement culturel antérieur à 1970 a des effets réducteurs sur l'impulsion souverainiste parce que le mouvement est fondé sur l'ethnocentrisme au départ. Il y a aussi des faussetés répétées depuis belle lurette sur les patriotes et la rébellion qui ne mettent jamais l'apport des anglos-québécois de front dans les troubles de 1832 et plus. On insiste plutôt sur l'identitaire franco de souche pour se tailler une solide crotte sur le coeur ou "chip on the shoulder" qui n'aboutit à rien, au final...

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Il y aurait beaucoup à dire sur l'ethnocentrisme, auquel on tend souvent à ramener le nationalisme québécois.

 

D'abord sur l'origine du concept "ethnique". Il s'est répandu sous l'influence de la sociologie américaine, qui l'employait pour désigner les minorités non-wasp (white anglo-saxon protestant). La majorité, elle, considérait qu'elle n'était pas "ethnique". L'ethnique, c'est toujours le minoritaire. Sur ce plan, le discours de Parizeau en 1995 rejoignait paradoxalement le discours séculaire de la majorité canadienne-anglaise, qui tend à "ethniciser" ou même à folkloriser toutes les minorités, que ce soit les Québécois francophones, les communautés issues de l'immigration, les autochtones, etc. Le monde moderne, pour tellement de nord-américains, ce n'est qu'en anglais que ça passe, et tout le reste, c'est des "roots", tout juste bon à attirer des touristes et à faire des pubs sur le multiculturalisme...

 

Par ailleurs, le nationalisme québécois moderne est né en partie d'un refus d'accepter l'hégémonie historique du Canada anglais au Canada. Il ne faut pas oublier que l'institution la plus "ethnique", dans ce pays, est quand même la monarchie, réservée aux très british héritiers du trône britannique. Les premiers "coupables" d'ethnicisme, si culpabilité il y a, sont donc les partisans de la monarchie, de tous les symboles britanniques et de tous les liens privilégiés à la Grande-Bretagne.

 

Cela dit, oui, il y a parfois de la fermeture d'esprit, au Québec, à l'égard de ce qui est différent. Mais les anglophones canadiens ont souvent là-dessus un double discours, voyant la paille dans l'oeil québécois et pas la poutre dans le leur. Ils se considèrent eux-mêmes très "ouverts" sur le plan culturel, même lorsqu'ils sont unilingues et ne s'intéressent en réalité à aucune autre culture que la culture nord-américaine anglophone. Du haut de leur certitude à être "très ouverts", ils jugent ensuite "fermés" les Québécois, surtout s'ils tiennent à préserver leur langue, et ce même quand ces Québécois sont multilingues, ont vécu à l'étranger pendant des années, se nourrissent constamment de films et de littérature venus de partout, etc.

 

Anectote pour anectote, j'ai moi-même passé pour "linguistically closed minded" aux yeux d'unilingues de l'Alberta, alors que je parle trois langues et que je passe ma vie plongé dans des idées qui viennent de partout. Such is life.

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Il y aurait beaucoup à dire sur l'ethnocentrisme, auquel on tend souvent à ramener le nationalisme québécois.

 

D'abord sur l'origine du concept "ethnique". Il s'est répandu sous l'influence de la sociologie américaine, qui l'employait pour désigner les minorités non-wasp (white anglo-saxon protestant). La majorité, elle, considérait qu'elle n'était pas "ethnique". L'ethnique, c'est toujours le minoritaire. Sur ce plan, le discours de Parizeau en 1995 rejoignait paradoxalement le discours séculaire de la majorité canadienne-anglaise, qui tend à "ethniciser" ou même à folkloriser toutes les minorités, que ce soit les Québécois francophones, les communautés issues de l'immigration, les autochtones, etc. Le monde moderne, pour tellement de nord-américains, ce n'est qu'en anglais que ça passe, et tout le reste, c'est des "roots", tout juste bon à attirer des touristes et à faire des pubs sur le multiculturalisme...

 

Par ailleurs, le nationalisme québécois moderne est né en partie d'un refus d'accepter l'hégémonie historique du Canada anglais au Canada. Il ne faut pas oublier que l'institution la plus "ethnique", dans ce pays, est quand même la monarchie, réservée aux très british héritiers du trône britannique. Les premiers "coupables" d'ethnicisme, si culpabilité il y a, sont donc les partisans de la monarchie, de tous les symboles britanniques et de tous les liens privilégiés à la Grande-Bretagne.

 

Cela dit, oui, il y a parfois de la fermeture d'esprit, au Québec, à l'égard de ce qui est différent. Mais les anglophones canadiens ont souvent là-dessus un double discours, voyant la paille dans l'oeil québécois et pas la poutre dans le leur. Ils se considèrent eux-mêmes très "ouverts" sur le plan culturel, même lorsqu'ils sont unilingues et ne s'intéressent en réalité à aucune autre culture que la culture nord-américaine anglophone. Du haut de leur certitude à être "très ouverts", ils jugent ensuite "fermés" les Québécois, surtout s'ils tiennent à préserver leur langue, et ce même quand ces Québécois sont multilingues, ont vécu à l'étranger pendant des années, se nourrissent constamment de films et de littérature venus de partout, etc.

 

Anectote pour anectote, j'ai moi-même passé pour "linguistically closed minded" aux yeux d'unilingues de l'Alberta, alors que je parle trois langues et que je passe ma vie plongé dans des idées qui viennent de partout. Such is life.

 

Le Canada anglais et l'hypocrisie, y'a de quoi virer fou tellement c'est pathétique et tordu. Ils n'ont jamais eu à se remettre en question et croient avoir la vérité infuse. J'ai été dans une école bilingue et je me suis très vite rendu compte ce ça. Malheureusement, le ptit canadien français est vite devenu aussi baveux que son homologue canadien anglais mais ça fait au moins qu'ils sont plus égaux même si on a nivelé vers le primitif plutôt que l'humanisme.

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Les québécois (anglophones, allophones et oui les francophones) sont pas aussi aussi distincte un de l'autre comme plusieurs continue de croire.

 

C'est un question des générations. Les jeunes non jamais connu Parizeau et l'epoch qui lui a procédé. Les baby boomer et leurs parents tiennent encore à leurs veilles idees, mais les jeunes representent un nouveau souffle pour le Quebec., inclusif et confiant.

 

Article dans Le Devoir

 

http://m.ledevoir.com/#article-442082

 

6 juin

Anglophones et heureux au Québec

Une génération plus tard

 

Les vieilles cicatrices des «votes ethniques» semblent en voie de guérison

 

 

Marco Fortier Le Devoir

 

La mort de Jacques Parizeau a rouvert de vieilles cicatrices chez bien des anglophones et des allophones. Mais 20 ans après la déclaration sur « l’argent puis des votes ethniques », une certaine paix linguistique semble s’installer. Zoom sur ces anglos qui se sentent chez eux au Québec.

 

Le soir de la mort de Jacques Parizeau, Toula Drimonis a passé une partie de la nuit sur Facebook et sur Twitter à répondre aux insultes proférées par des « angryphones » contre l’ancien premier ministre. « Je n’en revenais pas du ton hargneux contre Monsieur Parizeau, dit-elle. Je leur disais : “Un peu de respect, s’il vous plaît ! Regardez les faits, Jacques Parizeau a été un des bâtisseurs du Québec moderne.” »

 

Cette journaliste montréalaise d’une quarantaine d’années est devenue une sorte de pont entre le Québec francophone et le reste du pays. Elle s’est donné comme mission d’expliquer le Québec à ceux qui le comprennent mal. Et ils sont nombreux.

 

« Revenez-en, des déclarations de Jacques Parizeau sur l’argent et des votes ethniques », a-t-elle écrit en anglais dans une chronique retentissante sur le site Headspace, le 2 juin. Elle a dit la même chose aux auditeurs de CJAD, la talk radio montréalaise : « Get over it ! »

 

« C’est toujours rentable pour les médias de donner la parole aux grandes gueules et aux extrémistes. La réalité est pas mal plus ennuyeuse : la réalité, c’est que la vie est belle au Québec », dit-elle dans un français impeccable.

 

 

Nous sommes assis dans l’herbe, à l’ombre d’un grand arbre, près du canal de Lachine, à deux pas du marché Atwater. Toula Drimonis habite ici, dans l’arrondissement du Sud-Ouest de Montréal. L’entrevue se déroule dans un français ponctué de phrases en anglais et même en grec, la langue de ses parents. Le français est sa troisième langue.

 

Née à Montréal, Toula Drimonis a vécu dix ans en Grèce, à Sparte, la cité antique renommée pour sa puissante armée. Elle fait partie de ces « citoyens du monde » qui sont à l’aise à peu près n’importe où sur la planète. Mais quand on lui demande où elle se sent chez elle, la réponse tombe sans hésitation : « Je suis chez moi ici au Québec. Je suis d’abord québécoise. Quand je vais à Calgary, je me dis : “J’aimerais mieux mourir que de vivre ici !” »

 

Par choix

 

Toula Drimonis serait-elle comme beaucoup de « pures laines » ? Elle n’a pas de lien émotif avec le Canada. Un attachement raisonnable, raisonné, mais pas viscéral. Elle ne veut quand même rien savoir d’un Québec indépendant. Ça ne l’empêche pas d’appuyer un parti souverainiste : elle a déjà voté pour Québec solidaire.

 

« Les libéraux ne me représentent pas du tout. Le Parti québécois non plus. Je n’ai jamais, jamais, jamais voté pour le PQ. Je me méfie de ce parti qui ne représente pas mes intérêts comme anglophone et allophone. Mais je considère que je n’ai pas à voter en tant que fédéraliste ou souverainiste : je vote en tant que Québécoise », dit-elle.

 

Et si le Québec devenait indépendant ? Il faut bien lui poser la question. « Je resterais ici en cas de victoire du Oui. C’est chez moi. N’oublie pas une chose : les anglophones et les allophones qui sont au Québec sont ici par choix. Parce qu’ils sont bien ici. Because they feel this is their home. »

 

Et ceux qui s’en vont à Toronto, comme l’acteur Jay Baruchel, ont bien le droit de le faire sans qu’on monte sur nos grands chevaux, croit Toula Drimonis. « Il n’y a pas un anglophone qui n’a jamais pensé à quitter le Québec ! C’est juste une question d’opportunité : c’est plus facile d’aller vivre ailleurs en Amérique du Nord quand on maîtrise l’anglais. J’y ai déjà pensé, mais je suis bien à Montréal. J’aime l’ouverture d’esprit des Québécois, le respect pour la diversité d’opinion, l’ouverture aux gais, l’amour de la culture. On aime la vie au Québec. »

 

Accalmie

 

On est loin des discours apocalyptiques entendus au lendemain du référendum de 1995 — les anglos et les allophones sont encore traumatisés par la déclaration de Jacques Parizeau sur « l’argent puis des votes ethniques ». Le débat sur la charte des valeurs, il y a deux ans, a aussi réveillé les craintes des minorités — et même d’une bonne partie de la majorité francophone —, rappelle Antonia Maioni, professeure au Département de science politique de l’Université McGill. Mais globalement, la paix linguistique règne au Québec, selon elle.

 

« La communauté anglophone s’est taillé une place confortable dans le Québec du XXIe siècle », dit-elle. On assiste à la montée d’une génération d’anglophones qui sont à l’aise au Québec. Les quartiers centraux de Montréal — y compris les arrondissements francophones comme Villeray ou Rosemont — attirent un nombre croissant de jeunes anglos d’un peu partout, y compris du Canada anglais, attirés par la « renaissance » du mode de vie urbain, explique Antonia Maioni.

 

« Les anglophones sont à l’aise au Québec, confirme Peter Trent, maire de Westmount. De plus en plus de mes amis, surtout les plus jeunes, sont très à l’aise de vivre en français et au Québec. Moi-même, si je n’aimais pas la langue française, je ne resterais pas au Québec ! »

 

« Je pense qu’on entre dans une période où les distinctions entre anglophones et francophones s’estompent, deviennent de moins en moins importantes », ajoute Peter Trent.

 

L’homme d’État

 

« Quand je suis arrivé au Québec en 1968 [de l’Angleterre], c’était ridicule : la minorité anglaise était en charge de tout ! Et les anglophones n’étaient pas vraiment bilingues », se souvient Peter Trent.

 

Le maire de Westmount a le plus grand respect pour Jacques Parizeau, qui a contribué à sortir les Québécois francophones de leur misère. D’abord comme enseignant et comme haut fonctionnaire, puis comme ministre des Finances et premier ministre, « Monsieur » Parizeau a été l’un des fondateurs de l’État québécois. Peter Trent a vu naître ce Québec moderne avec la Révolution tranquille.

 

« Monsieur Parizeau était un homme d’État dans tous les sens du terme, dit Peter Trent. C’était un homme poli, raffiné, cultivé. Même si on était aux antipodes sur le plan politique, ça n’a eu aucune influence sur nos relations, qui ont toujours été cordiales. Je disais à mes collègues anglophones : “Vous n’êtes pas d’accord avec Jacques Parizeau, mais la moitié des Québécois au moins veulent avoir leur propre pays. Si on n’aime pas ça, on n’a qu’à ne pas être au Québec. Ça ne nous empêche évidemment pas de défendre le fédéralisme avec conviction.” »

 

Communauté aux aguets

 

Les anglophones ont beau se sentir à l’aise au Québec, ils tiennent à leurs institutions, rappelle le maire de Westmount. La communauté anglo est aux aguets pour assurer l’avenir de ses commissions scolaires et la gestion de ses écoles. « La gestion et le contrôle des conseils scolaires des minorités sont un droit garanti par la Constitution », souligne Sylvia Martin-Laforge, directrice du Quebec Community Groups Network (QCGN), qui défend la minorité anglophone.

 

La remise en question des élections scolaires par le gouvernement Couillard inquiète la communauté. La réforme du système de santé par le ministre Gaétan Barrette soulève aussi beaucoup de questions. Pas question de laisser « l’austérité » emporter les droits des anglophones. « Je parle français, mais je suis une anglophone, dit Sylvia Martin-Laforge. Si je dois me faire soigner à l’hôpital, j’ai besoin que ça se fasse en anglais. »

 

Personne ne le dit ouvertement comme ça, mais les anglophones se sentent pris en otage par le Parti libéral du Québec (PLQ). Comme les anglos votent massivement libéral, ils ont l’impression que les gouvernements libéraux les tiennent pour acquis. Le premier ministre Couillard refuse ainsi de nommer un responsable de la communauté anglophone au gouvernement, malgré la présence de deux anglos au conseil des ministres. Le gouvernement Marois avait pourtant nommé Jean-François Lisée comme interlocuteur de la communauté anglophone, rappelle Sylvia Martin-Laforge : « Il prenait son travail très au sérieux. »

 

« Et je vous rappelle qu’on n’a pas été invités [par les libéraux] à la commission parlementaire sur la politique de diversité et d’inclusion. C’est quand même ironique : on est exclus de la commission sur l’inclusion ! », ajoute-t-elle.

 

Ça revient peut-être à ce que dit Peter Trent : les anglophones et les allophones deviendraient un segment de population comme les autres. « Les sondages démontrent qu’ils ont les mêmes priorités que les francophones : l’économie, la santé et l’éducation », explique Jack Jedwab, directeur général de l’Association d’études canadiennes. « On sent une espèce de fatigue chez un large segment de la population. Comme si les anglophones, les allophones et les francophones avaient d’autres priorités que de faire de l’activisme politique. »

mfortier@ledevoir.com | Sur Twitter: @fortiermarco

 

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