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Hochelaga-Maisonneuve - Le retour du mal aimé


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Hochelaga-Maisonneuve - Le retour du mal aimé

 

Alexandre Shields

Édition du mercredi 23 juillet 2008

 

Pauvreté, violence, ruelles sales et immeubles délabrés... les qualificatifs les plus utilisés pour décrire le quartier Hochelaga-Maisonneuve n'ont rien de réjouissant. La réalité est pourtant nettement plus nuancée, soutiennent ceux qui croient au renouveau de ce secteur de l'est de Montréal, qui fête cette année son 125e anniversaire. Dernier de deux articles.

 

«Hochelaga-Maisonneuve, c'est un village, lance la cofondatrice du bistro In Vivo, Annie Martel. Je reconnais les gens et je connais les autres commerçants. Je n'ai jamais vécu cela avant et, pourtant, j'habite à Montréal depuis une douzaine d'années. Il y a ici une grande mixité sociale, des plus pauvres aux plus aisés, mais il y a de la place pour tout le monde.»

 

L'équipe fondatrice de cette coopérative de travail n'a pas hésité un instant à venir s'établir dans le quartier lorsqu'elle a ouvert le bistro, il y a près de trois ans. «On serait peut-être plus riches si on était ailleurs, mais pour nous, c'était important de le faire dans notre quartier», insiste Mme Martel, résidante d'Hochelaga-Maisonneuve depuis cinq ans.

 

L'entreprise s'inscrit d'ailleurs parfaitement dans le renouveau souhaité depuis des années pour ce coin de la ville passablement défavorisé. Les clients peuvent y déguster un menu santé composé de produits d'ici, mais aussi y entendre les artistes de la relève qui s'y produisent sur scène tout en jetant un oeil aux oeuvres d'artistes en arts visuels. Bref, on est loin des éternels «snacks à patates» qui constituaient auparavant l'unique option pour les résidants du quartier.

 

Si la formule a pris du temps à faire sa place, elle fonctionne désormais très bien, selon Mme Martel. L'entreprise a pourtant choisi de s'installer rue Sainte-Catherine, entre Pie-IX et Viau, un secteur en apparence repoussant. «C'est une rue difficile dans un quartier difficile, admet Mme Martel. Mais en même temps, si on ne fait rien, rien ne va changer.» Cette volonté bien concrète de faire bouger les choses est partagée par plusieurs, affirme-t-elle. «Tous les nouveaux commerçants se tiennent, s'entraident. On a tous un intérêt à développer la rue, à se donner des trucs et non pas à se piler dessus. Samedi dernier, par exemple, je suis allée donner un coup de main aux gens du restaurant Les Cabotins, situé tout près.»

 

C'est justement cet esprit de solidarité qui a attiré Gabrielle Moffett il y a quatre ans, lorsqu'elle a ouvert la boutique Coccinelle jaune, spécialisée dans l'artisanat québécois, quelques rues plus à l'ouest. «On me donnerait un local sur l'avenue du Mont-Royal que je ne déménagerais pas, lance-t-elle sans hésiter. Pourtant, j'y ferais sans doute plus d'argent, mais je ne retrouverais pas une vie de quartier aussi riche. Il y a toutes sortes de personnes et les gens se connaissent, se parlent.»

 

Avenir prometteur

 

Directeur de la Société de développement commercial Promenade Ontario depuis 20 ans, Roger Gallagher se réjouit d'un tel vent de fraîcheur, lui qui est convaincu de la possibilité de revigorer Hochelaga-Maisonneuve sans en chasser la population qui y est déjà. «J'ai toujours cru que le quartier n'était pas né pour un petit pain, mais qu'il peut évoluer en gardant une diversité de population. Il faut que les gens peu nantis puissent demeurer dans le quartier. C'est pas comme sur le Plateau Mont-Royal, où on transforme à peu près tout en condos.»

 

Il croit que l'émergence de nouveaux types de commerce, par exemple dans le voisinage de la place Valois, riveraine de la rue Ontario, illustre bien cette diversité. Cette place publique, toute récente, est entre autres bordée d'un restaurant de fine cuisine française, Le Valois, mais aussi d'une chocolaterie et d'une charcuterie. Plusieurs unités résidentielles destinées à de jeunes professionnels «au revenu élevé» ont aussi été bâties dans le secteur.

 

Si les poutines, pizzas et autres déclinaisons typiques du fast food demeurent légion, une plus grande diversité culinaire prend par ailleurs racine. «À l'épicerie, avant, sur les étagères, on voyait des sacs de chips et du Coca-Cola jusqu'au plafond, rappelle M. Gallagher. Aujourd'hui, dans le quartier, il y a des boulangeries, des poissonneries, des fromageries, etc. Si les gens recherchent ce genre de produits, ils peuvent les trouver facilement, par exemple au marché Maisonneuve.» Il espère d'ailleurs un jour voir ce marché, avec son magnifique immeuble central achevé en 1915, devenir «aussi gros que le marché Jean-Talon».

 

L'activité culturelle s'enrichit elle aussi. Des galeries d'art ont désormais pignon sur rue, tandis que la Maison de la culture Maisonneuve a subi une impressionnante cure de jouvence au cours des dernières années. Des artisans de la scène, ceux du Théâtre sans fil, logent dans un immeuble datant de l'époque de la Cité de Maisonneuve, rue Letourneux. Tout près de la place Valois, on trouve en outre, depuis longtemps, un club vidéo de répertoire, Le Septième, doté d'une riche vidéothèque. Un incontournable du quartier, au même titre que le théâtre Denise-Pelletier.

 

«Les millions qui ont été investis au cours des dernières années, que ce soit dans les commerces ou dans le domaine de l'habitation, je n'ai pas vu ça depuis 40 ans», soutient Roger Gallagher, natif du quartier. Responsable du comité développement économique et habitation pour l'arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Claire St-Arnaud se dit quant à elle convaincue que l'élan est là pour de bon. «Il y a de plus en plus de jeunes, entre 25 et 40 ans, qui viennent s'y installer et transforment le visage du quartier. On le voit à travers la multiplication des cafés et des bistrots dans les rues Sainte-Catherine et Ontario.»

 

De grands pans du parc locatif ont effectivement été rénovés et les projets immobiliers, qu'ils soient constitués de condos ou de logements, sont nombreux. Il faut dire que les promoteurs peuvent compter sur un important patrimoine de bâtiments industriels, et ce, à meilleur prix que dans bien d'autres quartiers de Montréal. Plusieurs locaux commerciaux auraient toutefois eux aussi besoin d'une cure de rajeunissement, ou même de simplement trouver preneur. Nombre de démarches ont d'ailleurs été entreprises auprès de la Ville afin d'obtenir une part des subventions dédiées à la rénovation des immeubles. On espère ainsi attirer davantage d'investisseurs dans le secteur.

 

Il faut dire qu'Hochelaga-Maisonneuve a passé des années à vivoter à la suite du départ des biscuiteries, usines de chaussures et autres Loco shop Angus, qui ont constitué l'essentiel des employeurs pendant des décennies. La fin de cet âge d'or industriel a fait mal. Outre les nombreux bâtiments laissés à l'abandon, la population du quartier a connu une chute importante. Résultat? Aujourd'hui encore, les indicateurs de pauvreté, mais aussi de décrochage scolaire, sont le plus souvent très élevés, même si le portrait socioéconomique change progressivement.

 

Préjugés bien ancrés

 

Or, si le quartier tend à se reprendre en main, les préjugés pèsent encore très lourds. «Le quartier a changé, mais les gens ne viennent pas voir Hochelaga-Maisonneuve, affirme Roger Gallagher. Ils n'osent pas. Quand ils constatent qu'il s'y passe des choses, ils sont surpris. C'est au point où des jeunes qui vivent sur le Plateau Mont-Royal déménagent dans le quartier, mais quand ils invitent leurs amis, ils ne leur disent pas qu'ils vivent dans ce quartier-là. Ils leur disent: "Vous êtes à HOMA", un peu comme s'ils avaient honte.»

 

L'expression «HOMA» est apparue il y a un peu plus de deux ans, dans le but de désigner le quartier sous un vocable plus séduisant, notamment pour promouvoir la vente des nouveaux lofts et condos. L'idée est de le définir comme le prochain secteur en vogue. Bref, le nouveau Plateau.

 

Les difficultés de ce quartier de l'est de Montréal résident en effet beaucoup dans la perception que les gens en ont, explique le directeur général de la Société de développement commercial de Sainte-Catherine Est, Jimmy Vigneux. Ce dernier tente justement de mettre en place un «plan vert» afin d'embellir cette artère, par exemple en redorant les espaces vacants mais aussi les vitrines des commerces. Un employé sera également chargé bientôt de nettoyer les environs de la rue Sainte-Catherine à temps plein.

 

Malgré les efforts déployés sur le terrain, le discours médiatique tend toutefois toujours à enfermer le quartier dans une image péjorative. «Chaque fois qu'on parle du quartier, on dirait que c'est d'un côté négatif, estime Annie Martel. Il faut aussi cesser de dire que c'est le bout du monde. Quand une chroniqueuse de Radio-Canada a fini par parler du bistro In Vivo, c'était pour dire: "C'est tellement loin dans l'Est." On avait l'impression qu'on avait dépasser Pointe-aux-Trembles quand elle parlait.»

 

http://www.ledevoir.com/2008/07/23/198869.html

 

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