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uqam+

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Tout ce qui a été posté par uqam+

  1. Une des informations que donne la vidéo - au milieu d'indignations un peu pompeuses, en effet - est que Londres aurait relâché ses anciennes règles. J'imagine qu'avant, ces règles ressemblaient à celles de Paris : des tours, oui, mais pas n'importe où et pas trop près du centre. Il est clair que désormais Londres aura des tours un peu partout, ce qui détruira l'ancien profil si caractéristique de la ville centre. J'avoue que je ne souhaiterais pas voir une telle chose ailleurs en Europe, ni à Paris, ni Praque, ni à Barcelone, etc. Mais l'inverse n'est pas parfait non plus... Confiner les tours dans certains quartiers n'a pas que des effets positifs. Le quartier de la Défense, à Paris, donne un peu l'impression d'une modernité mise en quarantaine ou en punition dans son coin. Mais des tours à côté du Louvre ? De Notre-Dame ? Des tours partout ? C'est d'ailleurs vrai qu'indépendamment de la qualité des édifices, toutes les forêts de gratte-ciels finissent par se ressembler. Même les assemblages de tours toutes plus originales les unes que les autres créent une impression de déjà vu. Comme une troupe d'ados qui rivalisent de looks cools, et qui ressemble comme deux gouttes d'eau à une autre troupe d'ados...
  2. L'argument principal d'Ivanhoé semble être la capacité d'absorption de nouveaux espaces à bureaux par le marché montréalais. Il y a là de quoi réfléchir. Mais l'argument secondaire voulant qu'il faille d'abord remplir le "centre" avant la "périphérie" (le quartier des gares serait une périphérie ?) n'est pas très convaincant. Bien sûr, chaque joueur défend sa "zone". Montréal gagnerait pourtant énormément à ce que la jonction se fasse entre le quartier des gares, le secteur ÉTS et Griffon town. Il serait dommage que le bras immobilier de la Caisse entrave les développements les plus porteurs pour la ville, par exemple en défendant des limites de hauteurs pour des motifs de concurrence.
  3. Suberbe photo, en effet ! En prime, ça donne le goût d'aller pratiquer son sand wedge...
  4. C'est vrai que nous nous sommes tous un peu répétés dans cette histoire, y compris Rocco, qui malgré ses critiques contre les répétitions se répète tout autant que n'importe qui. Le débat a néanmoins progressé et semble se ramener à deux thèses opposées sur la possibilité ou non d'améliorer grandement la situation en maintenant l'essentiel de la structure actuelle. Ceux qui disent que c'est possible croient que des interventions limitées permettraient de respecter l'oeuvre de Daudelin. Ils estiment, avec raison, que d'autres facteurs expliquent aussi l'échec du lieu. Ils pensent qu'une intervention ciblée entraînerait moins de coûts et pourrait être vue comme un essai réparable s'il n'était pas concluant. On ne sait toujours pas, par contre, ce qu'ils trouvent si valable dans ce lieu. (Illuv a semblé suggérer, au message 253, que la structure actuelle est un oasis menacé de verdure et de soleil, comme si le soleil aussi était visé par la démolition... Nous te rassurons, Illuv, aucun plan n'est prévu à cet égard.) Ceux qui croient que des modifications mineures seraient insuffisantes estiment que l'oeuvre elle-même, surtout par son côté massif et agressivement bétonné, ne permet pas de créer un lieu vraiment convivial, malgré l'intention abstraite de l'artiste. L'échec du square leur semble donc également dû à sa nature, et non seulement à des circonstances défavorables. Ils ne croient pas par ailleurs que le respect d'une intention artistique, surtout dans le cas d'une place publique, doit primer sur toutes autres considérations. Ils ne croient pas non plus qu'on respecte l'art en absolutisant toutes ses productions et ils rappellent à cet effet que cette oeuvre a été très largement critiquée dès sa création, y compris dans les milieux de l'art et de l'urbanisme. Ils pensent que l'occasion est bonne pour la ville de faire beaucoup mieux avec ce lieu (tout en jugeant les plans actuels insatisfaisants dans ce but.) Une des faiblesses de l'équipe B, si je puis dire, est sans doute qu'il faut accrocher notre char à celui de Coderre... N'est-il pas incohérent ensuite de s'opposer à ses vues dans le cas du projet Laliberté pour l'île Ste-Hélène ? Mais dans les deux cas, il s'agit de défendre les solutions les plus naturelles et les moins bétonnées possibles.
  5. C'est frappant de voir la naissance physique d'une vraie rue, avec des constructions des deux côtés, alors qu'avant on n'avait qu'un chemin ouvert sur un stationnement. En voyant le rendu, par contre, je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'un jour d'émeute, ces belles vitrines seront bien tentantes !
  6. Je passe là à pied tous les matins et je n'osais plus y croire. D'ailleurs, je n'ose toujours pas y croire tout à fait... comme si tout ce béton avait été mis là pour aller avec le viaduc et confirmer le côté trash du quartier.
  7. Les arguments du genre "il faut évoluer" sont creux en eux-mêmes. Ils se retournent en effet comme un gant, puisqu'on pourrait dire : le square Daudelin a été construit dans les années 80 (dans les derniers moments du brutalisme triomphant), donc plus de trente ans plus tard il faut évoluer et passer à autre chose. Répéter ce genre de propos creux ne sert évidemment à rien. Pour aller plus loin, il faut une analyse substantielle, qui parle de ce qu'est le square lui-même ou de sa signification pour la ville, et non seulement de l'intention de l'artiste et de l'idée d'évolution. Mais c'est précisément de cela qu'Illuv évite de parler depuis le début : de la réalité du square lui-même, avec sa formule tout béton que la majorité des gens trouvait, trouve et trouvera peu attirante, peu importe le nombre de ballounes multicolores qu'on pourrait accrocher aux blockhaus. L'échec de la ville fut d'avoir laissé construire cela en premier lieu. D'avoir laissé un artiste jouer aux urbanistes et de croire que ce qui marchait en théorie marchait nécessairement en pratique.
  8. Iluv : "Un square est conçu pour des rassemblements, mais un parc pour d'autres fonctions, plus du genre de repos et détente." Cette distinction ne résiste pas à l'examen des faits. Les squares sont très souvent de petits parcs et non des places. Le square St-Louis en est un bon exemple à Montréal. La vraie distinction est donc plutôt entre parcs et places. Dire que le square "Daudelin" a raté uniquement à cause de la ville, comme le fait Illuv ("Échec de la ville, pas de l'artiste"), me semble par ailleurs découler d'un a priori et non d'une analyse complète des faits. L'a priori maintenant évident de Iluv, c'est que l'art ne peut jamais rater et que les artistes n'ont jamais aucune responsablité dans le ratage de leurs oeuvres. C'est toujours les autres qui sont responsables : pas assez d'animation artificielle subventionnée, pas assez d'investissement, etc. Comme si l'art était au-dessus de tout jugement et de toute critique, par la seule magie que c'est de l'art. Daudelin a eu l'intention de faire un lieu animé entre des cubes de béton. Mais cette intention était probablement vouée à l'échec dès le départ. C'est comme vouloir un cercle carré. Les gens "auraient dû aimer" du brutalisme animé, ils "auraient dû aimer" se détendre ou flâner entre deux blockhaus, ils "devraient aimer" aller se reposer du bitume de la ville dans un espace de béton théoriquement conçu pour être convivial, ils auraient dû apprécier une fontaine très "songée" qui rebrisait quelques semaines ou quelques jours après chacune des réparations... Mais les gens ne sont pas des automates à qui un artiste peut imposer d'aimer être dans les lieux qu'il a créés. Combien de fois au 20e siècle le modernisme architectural a voulu inventer un homme nouveau qui "devait aimer" les grandes barres habitées de béton plutôt que les rues, etc. Et quand les hommes concrets n'aiment pas en pratique ce que la théorie dit qu'ils devraient aimer, on les traite de ploucs anti-artistiques... Bref, c'est trop facile de dire : la ville a tort, les gens ont tort, etc., seul l'artiste a eu raison depuis le début, car les artistes ont toujours raison contre tout le monde, Amen. Rappelons plutôt que dès 1984, beaucoup d'artistes, d'urbanistes et de gens ordinaires disaient au contraire que c'est le square Viger qui est une orgueilleuse abstraction qui n'est conviviale que dans les fantasmes de son concepteur. Sur un plan plus général, il faut redire ici la fameuse phrase : "sans la liberté de blâmer il n'est pas d'éloge flatteur". Mettre l'art au-dessus de toute critique c'est ne rien comprendre à l'art. L'art a toujours vécu de la critique et des jugements qu'on portait sur lui. Le refus de toute critique est en réalité l'attitude la plus profondément anti-artistique qui soit. D'ailleurs, dans cette affaire, il y a aussi refus de toute louange raisonnée. Il n'y que l'attitude profondément anti-démocratique, anti-artistique, anti-réflexive d'imposer a priori un respect de ce qui est là, sans jamais dire pourquoi la chose en question mérite d'être respectée, sauf à répéter inlassablement l'argument d'autorité : "parce que c'est de l'art et que les experts nous disent de le respecter". Amen. S'empêcher de concevoir quelque chose de mieux pour de telles raisons serait un mauvais signe pour Montréal. Imitons plutôt les villes de Paris, Londres, New York, etc., qui n'ont pas hésiter, devant des échecs avérés, à se retrousser les manches pour donner mieux à leurs concitoyens.
  9. Mtlman, Je n'ai accusé personne d'être irrationnel. C'est l'inverse qui est vrai, depuis le début : vous n'avez pas cesser de dire que tous ceux qui prônaient un nouveau square vous rappelaient l'état islamique, voulaient jouer au tonka, etc. C'est ce genre d'arguments que j'ai jugé irrationnels, en estimant d'ailleurs qu'ils n'étaient pas dignes de vous. Alors cessez de jouer les vierges offensées et de prétendre que ce sont les autres qui sont arrogants. Je n'ai pas dit non plus que votre proposition de consultation était irrationnelle. J'ai dit qu'un message qui commence par "voici ce qui est le plus rationnel", ça partait mal. Pour ma part, je n'ai jamais prétendu une telle chose, ni prétendu détenir à moi seul la vérité. J'ai mon avis, bien sûr, mais je ne crois pas avoir traité qui que ce soit de taliban, de wet dreamer ou de joueur de tonka. Il est quand même inouï que vous ne sembliez même pas voir votre propension aux insultes et que vous sautiez au plafond dès qu'on ose avoir un avis différent du vôtre. Sur la consultation, si vous m'aviez lu correctement, vous auriez vu que j'approuvais l'idée à condition que toutes les options soient considérées sérieusement. Mais vous, par contre, vous semblez vouloir limiter a priori les résultats possibles d'une consultation en refusant d'admettre que la meilleure solution puisse être de démolir une partie du square actuel. Alors que même les gens qui sont derrière la pétition semblent désormais dire que, pour eux, il ne s'agit plus de tout conserver. Vous êtes donc plus catholique que le pape... Peut-être devriez-vous d'ailleurs leur écrire pour leur dire à eux aussi qu'ils vous rappellent l'état islamique, puisqu'ils admettent la possibilité de la destruction d'une partie des structures actuelles... C'est vrai que j'ai des sérieux doutes sur la possibilité que des modifications mineures, cosmétiques, puissent soudainement transformer de rebutants blocs de béton en endroit agréable et vivant. Voilà pourquoi j'estime qu'il faudrait mieux tout remettre sur la planche à dessin. Est-ce encore permis dans votre esprit de défendre ce point de vue sans être un taliban ? Ou continuerez vous à vous déchainer avec vos comparaisons manichéennes ? Par contre, je n'ai jamais endossé les plans proposés jusqu'ici et l'ai même écrit. (Ces doutes sur le projet présenté étaient le coeur de mon premier message.) Dans plusieurs de ses messages, acpnc a bien résumé les deux positions en présence, sans dénigrer personne, et j'ai moi-même écrit que je me reconnaissais dans la synthèse qu'il avait présentée. Ce serait bien de vous entendre une fois, non pas changer d'idée, mais au moins parler de l'option des autres sans tomber dans vos comparaisons outrées et puériles.
  10. Mtlman, Un message qui commence par "la plus grande rationalité est la suivante", pour moi, ça part déjà très mal. Qui êtes-vous pour décider a priori quelle est la plus grande rationalité ? Un débat ouvert exige que toutes les options soient sur la table. En exclure à l'avance en vous arrogeant la palme de la rationalité et de la logique ne convaincra pas grand monde. Surtout lorsque vous mêlez vos propos de trivialités passablement irrationnelles sur l'état islamique et les camions tonka. Il ne suffit pas de dire "je suis rationnel et logique et ceux qui me contredisent sont motivés par des obsessions maladives" pour être rationnel et logique. En fait, ça donne plutôt l'impression d'une exaspération à court d'arguments. Plusieurs ont souligné le fait que nous avons l'occasion de repenser l'ensemble des places et parcs du secteur, en lien avec les travaux pour recouvrir une partie de l'autoroute. En effet, ce serait l'idéal d'avoir une vue d'ensemble. Et si on consultait véritablement les Montréalais et la population du secteur, je suis à peu près convaincu que s'affirmerait un souhait très net pour un verdissement très marqué et un refus du modèle "tout béton" qu'incarne le square Daudelin. Malheureusement, la majorité des Montréalais restera probablement hors du débat, de sorte que les minorités agissantes et motivées auront une influence décisive. Il est donc possible que vous gardiez votre cher square - dont vous nous avez toujours pas dit en quoi il vous paraissait si extraordinaire...
  11. MtlMan, J'avais lu le message 163, que j'ai longuement commenté au message 168 et que je cite d'ailleurs dans mon message précédent. Je n'estime pas que l'auteur présente des arguments sur la valeur de l'oeuvre mais bien sur ce qu'il estime être la valeur de l'intention de Daudelin. Or, les divers éléments de cette intention ne se sont jamais matérialisés. Je ne comprends d'ailleurs toujours pas pourquoi il serait tabou de parler de la valeur d'une oeuvre : il y a longtemps que l'art n'existerait plus si l'on n'avait jamais parlé de la valeur des oeuvres. Si vous aimez l'oeuvre de Daudelin, pourquoi auriez vous honte de nous en dire les raisons ? Ce tabou suppose qu'on fasse tout reposer sur un argument d'autorité : c'est de l'art, on nous dit de ne pas y toucher donc on ne fait rien. Excusez-moi, mais je n'ai pas cette servilité. Et on accuse ceux qui veulent mieux pour Montréal que ces blocs de béton, comme vous l'avez fait à répétition, d'être des émules de l'état islamique ou des excités qui fantasment sur la destruction et les camions tonka. Ce genre d'arguments puérils n'est pas digne d'une discussion sérieuse, et pas digne de vous... Et dire que c'est vous qui accusez ceux qui ne partagent pas votre avis d'être arrogants ! Voilà qui s'appelle voir la paille dans l'oeil du voisin et pas la poutre dans le sien. Iluv, Vous jouez sur deux tableaux. La plupart de vos interventions sur ce sujet, au début, consistait à traiter d'irrationnels les arguments différents des vôtres. Et quand on vous répond de manière rationnelle, vous vous mettez à vous moquez des "discussions philosophiques sur l'art". Vous avez pourtant vous-mêmes diffusé ici des discussions approfondies sur l'art, genre qui ne semble donc vous déplaire que lorsqu'il ne va pas dans votre sens. Au lieu de vous moquez, vous aussi devriez nous expliquer ce que vous trouvez de si extraordinaire dans le square actuel. Parce maintenir quelque chose juste pour le maintenir, quand on pourrait faire mieux, n'est pas très convaincant. Vous avez d'ailleurs témoigné ici d'un zèle de missionnaire qui va bien au-delà du simple pragmatisme... On aimerait bien savoir ce qui motive une telle passion.
  12. C'est curieux comme certaines photos donnent l'impression d'un édifice immense, comme si la multiplication des fenêtres nous faisait perdre nos repères habituels pour juger de l'échelle. Douze étages, ce n'est quand même pas si haut... Malgré tout, j'aime bien le toit en biseau et l'effet casse-tête lsd des fenêtres. louisleonardo a raison, c'est avec le jeu des lumières que ça prendra tout son sens. On se demande par contre ce qui est advenu du quadrillage visuel proposé sur le rendu initial. Et à quoi ressemble l'autre façade. Bien sûr, il y a le revêtement, jugé affreux par plusieurs. (Je ne l'ai pas encore vu sur place) C'est vrai qu'on a l'impression d'un blanc sale uniforme. Ce serait bizarre d'avoir été audacieux pour la conception et très frileux pour les couleurs, alors qu'elles donnent souvent l'impression durable qu'on reçoit d'un immeuble.
  13. Les messages précédents soulèvent plusieurs enjeux. 1. D'abord un enjeu sémantique. Qu'appelle-t-on précisément "l'agora" ? Seulement la scène centrale de "l'îlot Daudelin" ou l'ensemble du quadrilataire ? Le texte de la pétition (message 191) souligne qu'on ne vise plus à respecter "le projet dans son intégralité". Donc même les partisans les plus décidés de Daudelin accepte une part de démolition, semble-t-il. Mais quelle part ? Les blockhaus de béton ? Tout cela devrait être précisé. 2. On joue encore une fois sur une sorte de chantage émotif si souvent employé dans notre petite société insécure restée passablement provinciale : "on ne détruit pas de l'art, que dirait-on de nous à l'étranger ?" Et bien, à l'étranger, on détruit constamment d'anciens projets jugés peu réussis. J'ai déjà fourni des liens (p. 8, message 80) qui montraient à quel point on avait détruit des oeuvres brutalistes dans le monde, notamment à Londres et aux États-Unis. Un exemple encore plus similiaire au cas du square Viger : le réaménagement en profondeur du forum des Halles, à Paris. La version des années 70 avait contribué à aggraver une série de problèmes urbains, en plus d'être jugée peu intéressante sur le plan esthétique. Il fut donc décidé, par cette ville si typiquement barbare et si peu respectueuse de l'art qu'est Paris, de passer outre au respect aveugle de tout ce qui a fait intention d'art pour plutôt tenter d'améliorer la situation, quitte à démolir l'oeuvre précédente. Voir un résumé très succinct du débat ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Forum_des_Halles Qu'on cesse donc ce chantage émotif et qu'on tente au moins de nous expliquer (après 191 messages, personne ne l'a encore fait) ce que l'oeuvre de Daudelin a de si valable sur le plan esthétique et urbanistique. 3. Le texte de la pétition décrit aussi le désir d'améliorer la situation par un nouvel aménagement comme un "effet de mode". Il faut pourtant rappeler que le square Daudelin fut critiqué dès son origine par une large partie du milieu de l'art, des urbanistes et du public, comme l'indiquait un document fourni par Iluv. (p. 17, message 163) Je retranscris ici l'analyse : "Le projet ambitieux des artistes fut cependant très mal reçu, à la fois par le public, le milieu municipal, le milieu des arts et les médias. Dans la revue Parachute, par exemple, on critique ouvertement l’espace, jugeant qu’il a été mal conçu et qu’il n’a pas sa place dans l’espace urbain, précisant au passage que seul l’Agora fait preuve d’une réflexion, aussi pauvre soit-elle, sur le rôle d’un espace public dans la ville. (Martin 1984). À ces critiques s’ajoute le mécontentement du public; des articles de quotidiens font ponctuellement état d’une incompréhension de l’utilité de l’espace public aménagé par les artistes (Petrowski 1994)." Prétendre que la critique de l'oeuvre de Daudelin est un "effet de mode" est donc de la rhétorique mensongère.
  14. Ce texte de Daniel Fiset est très intéressant et révélateur. Il mériterait une longue analyse ! Mais en gros, on peut en dégager quelques aspects centraux : 1. Il se veut surtout descriptif. La partie sur le square actuel est d'ailleurs plus descriptive de l'intention de Daudelin que du square réel. L'auteur l'admet implicitement quand il écrit : "l’artiste a une vision très idéalisée de la structure qu’il venait d’implanter : il la voit comme un squelette pour une véritable place publique, les petites places disposées ça et là devenant des commerces, cafés et kiosques." Cette vitalité idéale ne s'est pas réalisée, sans qu'aucune analyse ne nous fasse comprendre pourquoi. C'est le grand défaut du texte. À mon sens, les causes profondes sont dans l'oeuvre elle-même. 2. Dans la partie la plus théorique du passage sur Daudelin, l'auteur soutient que son oeuvre respecte les critères du parc de quartier tels que les a définis Jane Jacobs. Mais son analyse est ici extrêmement courte et tendancieuse. Jane Jacobs réhabilitait avant tout la RUE, dénigrée par l'urbanisme moderniste. Le square urbain réussi, pour elle, est à la fois la continuité de la vitalité déjà présente dans la rue, et un contraste avec celle-ci par la générosité de l'espace et la présence de la nature. La place de Daudelin se coupe de la rue. Elle impose un vocabulaire brutaliste bétonné qui contraste durement avec le quartier environnant. Daudelin a créé une place artificielle ("idéalisée", dans les mots de Fiset), qui est plus le fantasme d'une place qu'une place réelle. Il faut donc refuser la conclusion de l'auteur quand il dit que cette oeuvre est "sensible à son environnement". C'est le contraire qui est vrai. La place est autarcique, presque autiste, et ne constitue nullement un pont entre les quartiers qu'elle jouxte. Elle n'est sensible à son environnement qu'en théorie, pas en pratique. 3. L'auteur a néanmoins l'honnêteté de rappeler les critiques féroces qui ont été adressées à cette oeuvre dès sa réalisation (et donc AVANT qu'elle ne se dégrade). Je cite : "Le projet ambitieux des artistes fut cependant très mal reçu, à la fois par le public, le milieu municipal, le milieu des arts et les médias. Dans la revue Parachute, par exemple, on critique ouvertement l’espace, jugeant qu’il a été mal conçu et qu’il n’a pas sa place dans l’espace urbain, précisant au passage que seul l’Agora fait preuve d’une réflexion, aussi pauvre soit-elle, sur le rôle d’un espace public dans la ville. (Martin 1984). À ces critiques s’ajoute le mécontentement du public; des articles de quotidiens font ponctuellement état d’une incompréhension de l’utilité de l’espace public aménagé par les artistes (Petrowski 1994). Il est très étrange que l'auteur ne fasse pas l'effort d'examiner ces critiques avec attention. Au final, il semble les écarter pour plutôt suggérer, en se basant entièrement sur l'INTENTION de Daudelin, que la place aurait dû marcher. De tout cela, on peut tirer quelques remarques générales. Le modernisme architectural a été souvent critiqué parce qu'il préférait les abstractions pures au caractère spontané et organique de la ville, résumé par la vitalité des rues. C'est tout le sens des analyses de Jane Jacobs, qui fut la critique la plus influente du caractère anti-urbain de plusieurs aspects du modernisme au sens strict. Dans le texte de Fiset, l'oeuvre de Daudelin apparaît comme un effort d'adaptation du modernisme agressif à ces critiques. Daudelin aurait en effet tenté de faire passer la vie dans des concepts. Mais en restant lourdement fidèle aux dogmes brutalistes du "tout béton" et du splendide isolement du monument sculpture, il vouait cette "vie" à ne demeurer qu'une intention abstraite démentie par les faits. Et nous voilà donc pris, comme l'avait compris dès 1983 la plupart des Montréalais, avec la caricature théorique d'une vraie place publique, boudée dès le départ par les vivants réels. Pour être complet dans son imitation ratée de la vie, Daudelin aurait dû ajouter des personnages de béton pour habiter sa place...
  15. Un des aspects les plus frappants de tout ce débat reste de ne jamais entendre les défenseurs du square actuel nous parler de sa valeur. Tout ce qu'on entend est de l'ordre de l'argument d'autorité. "C'est de l'art et l'art est sacré. Les spécialistes nous le disent et il faut les écouter." Mais si c'est de l'art, il devrait bien avoir de véritables défenseurs qui emploient le vocabulaire approprié pour défendre l'art, c'est-à-dire le vocabulaire esthétique, ou au moins une description de la signification du lieu pour la ville. Rien. Aucun des "urbanologues", historiens de l'art ou simples participants à ce forum n'a osé dire qu'il trouvait le lieu beau, harmonieux, inspirant, en affinité avec le quartier, aucun n'a dit qu'il aimait s'y retrouver, y lire, y rencontrer des amis, que l'ambiance était vivante, que les formes des blockhaus de béton élevaient l'esprit... En lieu et place du vocabulaire approprié pour défendre l'art ou un espace public, en lieu et place du moindre signe de véritable enthousiasme, on a donc l'idée qu'il faudrait se soumettre au "sacré" ou encore l'idée relativiste que les goûts ne se discutent pas (et donc, conclusion bizarre, qu'il faudrait obéir aux spécialistes...) Défense bien molle, paresseuse, un peu lâche, et qui manque totalement de générosité et de vitalité. Et même passablement hypocrite, comme plusieurs l'ont souligné, puisque la plupart des promoteurs du site n'en ont pas parlé depuis 30 ans et n'y mettent probablement jamais les pieds. Pourquoi faudrait-il se soumettre à ce conformisme mou des fonctionnaires de l'art, et se soumettre à l'idée passablement ridicule et profondément anti-artistique que toute intention d'art doit être sacralisée, peu importe son résultat ? Pourquoi faudrait-il penser que rien de mieux ne pourrait être fait à cet endroit que des bunkers qui ne doivent leur survie qu'à l'indifférence pour un quartier trop longtemps délaissé ? Maintenant que ce quartier est voué à revivre, quelle chance ce serait de rétablir un lien vivant entre l'ancienne gare Viger et tous les édifices autour ! Le pire, c'est que la bataille politique pour préserver l'état actuel l'emportera peut-être, puisque la minorité agissante pourra profiter d'une large indifférence du public. Déprimant.
  16. Iluv, Le débat est malgré tout intéressant par plusieurs aspects. 1. Vous dites que pour vous l'art est sacré, et vous tendez à le définir par l'intention ayant présidé à sa création plutôt que par une évaluation du résultat. Ces deux idées mises ensemble me paraissent extrêmement problématiques. L'art est une des choses les plus dignes de respect, mais il est nécessaire selon moi de le considérer dans ses résultats tout autant, sinon plus, que dans son intention. Plusieurs artistes admettent d'ailleurs eux-mêmes que bien de leurs oeuvres sont ratées. Bien des écrivains diront : tel de mes romans est raté, tel de mes poèmes ne vaut pas grand chose, etc. Dès qu'on connaît l'art et l'histoire de l'art, on est conscient de cela. Dire que l'art est toujours "sacré" me semble une aberration. Nous ne sommes d'ailleurs plus à une époque où une minorité peut tout justifier en décrétant que ce qu'elle fait échappe à la discussion démocratique parce que ce serait "sacré". Si certains se font une religion privée de l'art, tant mieux ou tant pis pour eux. Mais vouloir l'imposer aux autres me paraît présomptueux. Cette prétention mérite d'être dégonflée, et même agressivement. Je vous conseillerais donc de vous habituez à ce que d'autres ne vous suive pas quand vous sacralisez une oeuvre récente qui n'a franchement rien de bien extraordinaire. D'ailleurs il est frappant que vous n'ayez même jamais essayé de nous convaincre de sa beauté ou de son intérêt. Pour résumer, toute votre position depuis le début consiste à dire : "Ça existe, c'est de l'art, c'est donc sacré et ceux qui pensent autrement sont des blasphémateurs. Ils me choquent et donc je les trouve irrationnels." Votre argument n'est pas esthétique. C'est une position de croyant qui se met en colère quand les autres ne partagent pas sa foi. N'allez pas dire en plus que vous n'insultez personne. Quant on répète sans cesse que le propos des autres est irrationnel et qu'on parle de "cons", il est trop facile ensuite de dire "mais non, je n'insulte personne" 2. Vous ne mettez jamais en tension la notion d'art et la notion de place publique. La sacralisation de l'art pour l'art est assez récente dans l'histoire. Il est même permis de penser qu'elle reflète une dégradation de l'idée d'art. (Lisez les débats à ce sujet parmi les artistes du 19e siècle, moment où l'art a acquis pour certains cette sorte de sacralité.) Ni Bach ni Shakespeare ni Michel-Ange n'aurait sans doute dit que leur art était sacré du fait même de leur intention. Je critique en effet cette posture de sacralisation automatique au nom d'une discussion plus large, philosophique, sur la nature de l'art. À tout sacraliser on finit par tout banaliser. Quand Salvador Dali gribouillait sur des nappes pour vendre ça ensuite à un prix d'or à des gogos naïfs, je ne vois rien de sacré là-dedans, mais plutôt une perversion de l'art. Et dans le cas très spécial de l'art public, il faut prendre en compte l'avis des autres, des citoyens, sans quoi on entre dans le mépris élitiste de ceux qui ont à vivre avec les résultats. Quand Marcel Duchamp a mis sa fameuse toilette au musée, il voulait sans doute souligner l'absurdité qu'il y a à donner ainsi à l'artiste la capacité de sacraliser un objet banal. Comme si l'artiste était une sorte de magicien, qui du seul fait de son nom et de son intention, pouvait transformer de lourdes pergolas de béton qui cachent la vue en "art intouchable et sacré". Je n'ai pas l'esprit assez obéissant pour me mettre à genou devant de tels gestes et considérer les artistes comme des grands prêtres dont il faudrait respecter toutes les lubies. l y a donc en jeu, pour moi, un principe extrêmement important : l'art n'est pas sacré du seul fait de l'intention de l'artiste ou du seul fait qu'il est encensé par la tribu si souvent servile des "spécialistes", dont la fonction dépend précisément du respect sacré qu'inspire l'art. L'art est respectable et même admirable par sa capacité à révéler le monde ou élever l'esprit humain. Mais je ne vois rien dans cette oeuvre brutaliste somme toute assez banale qui mérite nos agenouillements obéissants. On ne vit pas avec l'intention de Daudelin mais avec ses structures en béton, lourdes, laides aux yeux de bien des gens, qui créent des zones de non-visibilité et d'insécurité. L'enjeu n'est pas seulement celui de l'intretien : même parfaitement entretenue, cette oeuvre garderait ses défauts. Y compris ce que j'ai appelé son narcissisme, c'est-à-dire l'impression que l'artiste s'est fait plaisir sans tenir compte des goûts ou intérêts du public. 3. Le brutalisme avait un programme idéologique. On n'est pas obligé d'accepter ce programme et il est encore permis, je l'espère, de le critiquer, même de la façon la plus virulente. 4. Dernier point. Plus je réfléchis à l'idée de sacralisation de l'art, plus j'aboutis à la conclusion qu'au fond, elle repose sur un mépris profond de l'art. L'appréciation de l'art est à chaque fois à gagner, à conquérir, sa valeur est toujours à prouver, à faire voir. La sacralisation automatique est une attitude paresseuse. Elle n'est pas digne de la part de mystère et d'incertitude qui doit accompagner l'art. Le vrai respect de l'art exige qu'on cherche à le comprendre dans sa spécificité, et même à le critiquer. Vouloir se taire là-dessus pour laisser parler les spécialistes à notre place n'est pas digne de quelqu'un qui prétend aimer l'art.
  17. Illuv, C'est vous qui êtes insultant, à la fin... Vous ne cessez jamais de suggérer que les gens qui ont un autre avis que le vôtre sont ni intelligents ni rationnels, et maintenant vous me traitez de con. Mais pour qui vous prenez vous ? Vous croyez être impressionnant vous-même, avec cette façon d'insulter les gens ? Je ne vous ai jamais traité de quoi que ce soit, alors un peu de respect, sans quoi vous passerez rapidement pour... irrationnel et peu intelligent. D'ailleurs, depuis le début de cette discussion, vous n'avez jamais cessé de confondre argument rationnel et argument d'autorité, avec votre façon de croire que citer des "logues" va clore le débat. (Confusion qui n'est pas très rationnelle) Ce n'est pas parce que des urbanologues veulent défendre un square qu'il faudrait d'emblée prendre leur avis pour la "raison". Ils ont leurs intérêts et leurs parti pris, comme tout le monde. Je ne suis pas contre l'art. Prétendre cela est un sophisme de votre part. Je suis contre l'absolutisation de l'art, c'est-à-dire transformer toute oeuvre à prétention artistique en un absolu intouchable qui doit primer sur tout autre considération. Et puis cessez de suggérer qu'il n'y a qu'à Montréal qu'on corrige des erreurs - notamment les erreurs des années 70-80 - et qu'on détruit des monuments. Ça c'est fait dans toutes les villes du monde. J'ai d'ailleurs mis plus haut des liens vers des sites qui répertorient les destructions des oeuvres brutalistes en Angleterre et aux États-Unis. Il est donc simpliste, ou pour reprendre vos termes, peu rationnel et con, de prétendre que cela ne se ferait qu'à Montréal. Le lien entre une autoroute et le style brutaliste est enfin évident et même revendiqué par plusieurs des penseurs de ce style, ne serait-ce que par l'insistance sur le béton. Votre façon de suggérer qu'il n'y aurait pas de lien à faire ne signale que de l'ignorance de votre part. (Relisez Vers une architecture de Le Corbusier, texte fondateur de l'architecture moderniste, vous verrez de quoi je parle.) Il est quand même étonnant de croiser quelqu'un de si hostile aux débats. Vous semblez pousser cette hostilité jusqu'à vouloir saturer ce fil de vos seules interventions, comme s'il fallait noyer la parole des autres sous un flot continu d'arguments qui les enterreraient à jamais. Cette hostilité est souvent le propre des gens qui aiment faire appel aux "experts", et sont donc en quête d'un dernier mot dogmatique qui fera taire toute opposition. Je crois au contraire préférable de garder une saine méfiance des experts. Après tout, c'est eux qui nous ont donné bien des aberrations urbanistiques.
  18. Je partage la synthèse du débat proposée par acpnc. Et je crois que Iluv se trompe en pensant qu'une vraie consultation publique - et non pas un exercice réservé aux prétendus "ayant droit" et "parties prenantes" - signalerait un appui général à une sorte de statu quo amélioré. La construction de ce square en forme de manifeste brutaliste a profité de l'indifférence du public à l'égard de ce qui était devenu des terrains vagues. Jamais on n'aurait toléré la destruction d'un vrai parc pour faire cela. Il suffit de s'imaginer ce que serait la réaction des gens si on proposait aujourd'hui de couvrir le Mont-Royal, l'île Ste-Hélène, le Parc Lafontaine ou même le carré Dorchester de simili blockhaus de béton. Personne n'en voudrait, même si ces blockhaus étaient signés par une star du design mondial. Nous avons une chance historique de nous débarrasser de cette excroissance d'autoroute présentée comme un parc. Il serait dommage que cette chance soit ratée à cause d'une cabale corporatiste ou d'une absolutisation malsaine de la notion d'oeuvre d'art. Je crains toutefois que le conservatisme l'emporte, comme si Montréal était passé d'une rage de tout détruire et bétonner, dans les années 70 et 80, à une peur paralysante venue de notre incapacité de croire qu'on peut faire mieux. Et pourtant nous pouvons faire mieux ! Comme quelqu'un le rappelait, la place Riopelle, le nouveau square Victoria, ou même le jardin qui jouxte la Grande bibliothèque prouvent qu'on sait encore créer des espaces verts attrayants où l'art trouve sa place, sans s'imposer contre toute autre considération, de manière narcissique. Je crois donc qu'il ne faut pas en démordre et peut-être que nous obtiendrons la réparation d'une erreur historique, comme ce fut le cas lors de la destruction de l'échangeur des Pins. (Le carré Viger actuel pourrait être vu en effet comme une sorte d'échangeur des Pins snob.)
  19. Il faudrait aussi faire plus d'efforts pour accroître le pourcentage des immigrants qui vont en région et à Québec. Mais c'est plus facile à proposer qu'à réussir...
  20. De nouveau, ensemble de textes intéressants fourni par Iluv. De nouveau, toutefois, ces textes sont un reflet d'un fort esprit corporatiste qui fait passer le prestige des designers et des artistes avant l'avis des citoyens, et qui revendiquent des droits acquis et des droits de regard pour une élite supposément éclairée. Citons par exemple une phrase type du texte de Jonathan Cha, message 88, qui se présente comme "urbanologue" (urbanologue ! - taisez-vous, les simples citoyens, je suis urbanologue, je sais ce qui est bon pour vous...) Il suggère donc que la décision à prendre "relève d'une mobilisation des parties prenantes en matière d'art et de culture et les ayant droit, non pas de la conception paysagère." Cette phrase illustre à merveille plusieurs points relevés ici depuis quelques jours. 1. Par les mots "parties prenantes", il faut entendre les spécialistes et les experts, dont on semble penser que la ville leur appartient en priorité. Les autres, les simples mortels, sont donc relégués à un statut secondaire. 2. Par les "ayant droit" on entend les héritiers de l'artiste, comme si un espace public appartenait aux artistes qui l'ont produit, et non aux citadins. Sous couvert de glorification de l'art, il y a là une conception marchande extrêmement inquiétante de la ville. Les espaces publics de la ville appartiennent et continueront d'appartenir, je l'espère, aux citoyens, et non à des ayant droit. Personne n'a d'ailleurs le droit que son oeuvre ait la garantie d'être maintenue dans l'espace public pour l'éternité. 3. Par les mots "conception paysagère", on établit un contraste, volontairement méprisant, entre l'Art et la simple nature aménagée. "Quels ploucs, ces Montréalais, semble-t-on dire, ils veulent des arbres alors que nous on leur offre des bunkers de béton millésimés, signés Daudelin. Il faut vraiment être inculte pour préférer des arbres et des vues dégagées à du brutalisme authentique !!" Plus que jamais, cette affaire révèle à quel point le milieu de l'art et le milieu universitaire peuvent dériver dans un élitisme narcissique qui méprise le public et sa "conception paysagère". Seul terrain d'entente, la nécessité de consulter plus largement. Mais ce serait un scandale de baliser cette consultation pour qu'elle ne serve que les intérêts des auto-proclamés "parties prenantes et ayant droit." Les parties prenantes et ayant droit, en démocratie, ce sont tous les citoyens.
  21. Le principal enjeu me semble toujours de redonner enfin à cette partie du square Viger suffisamment d'attrait pour attirer les riverains. Mais un autre enjeu consiste en effet à savoir ce qu'il faut faire de l'architecture brutaliste. Déjà, on pourrait distinguer entre les exemples plus ou moins réussis et significatifs, et ce qui ne présente que peu d'intérêt. Le stade olympique, malgré ses défauts, a un usage précis et toujours possible. Son esthétique a ses partisans. Personnellement, je l'aime bien, notre mastodonte au look de vaisseau spacial. Il a par ailleurs une signification historique indéniable. Et le démolir coûterait la peau des fesses... Dans le cas de cette portion du carré Viger, sa signification historique est minimale. Les Montréalais ne se le sont jamais approprié, sauf les itinérants. Et je crois que le style brutaliste et ses orgies de béton est presque contradictoire avec l'idée même d'un parc. En ce sens, l'artiste faisait un pari : inventer le cercle carré, ou le parc brutaliste. C'est amusant, être artiste subventionné, on peut faire des paris payés par les autres... Au final, pas mal tout le monde trouve que le pari a dès le départ été raté. Et il faudrait maintenant l'embaumer pour l'éternité ? En fouillant le net, on trouve pas mal de débats sur la destruction souhaitée d'édifices brutalistes, surtout en Angleterre, pays où ce style avait fleuri (si l'on peut employer un tel mot ici...) Les Anglais n'ont jamais vraiment aimé cette architecture. Ce qui n'empêchait pas les "experts" d'imposer leurs lubies par entêtement idéologique. (Allez savoir pourquoi, le brutalisme était jugé "progressiste") Depuis, on en détruit sans cesse. Il faut noter d'ailleurs que les édifices démolis jouaient pourtant leur rôle, ce qui n'a jamais été le cas de notre carré Viger. Ces débats aident aussi à prendre conscience du fait que dans tous les pays, on démolit beaucoup, sans être ni taliban, ni pour l'État islamique. Ça n'aurait donc rien d'extraordinaire de le faire ici... http://www.independent.co.uk/arts-entertainment/architecture/battle-to-save-britains-brutalist-buildings-from-the-bulldozer-1890905.html http://www.thedailybeast.com/articles/2015/04/15/should-we-demolish-or-cherish-brutalist-architecture.html http://architizer.com/blog/brutalism-takes-a-beating-7-brutalist-icons-destined-for-the-wrecking-ball/ http://www.citylab.com/design/2014/07/requiem-for-fbi-hoover-building/375279/
  22. Pour la Tour Eiffel, parmi les premiers à vouloir la détruire il y avait un assez grand nombre d'artistes, qui la jugeaient vulgaire... Par contre, le public ne l'a jamais désertée. Rappelons aussi que le modernisme architectural, quand il avait la cote, a souvent été prêt à tout détruire sur son passage. Au nom de la Raison, et avec des "experts" à l'appui, Le Corbusier rêvait par exemple de détruire quasiment tout Paris, en le remplaçant par du béton... Il est d'ailleurs touchant de voir qu'on emploie aujourd'hui des arguments conservateurs pour préserver un monument brutaliste. (Ce qui revient à dire : "Nous, on avait le droit de démolir, mais il serait scandaleux qu'on nous démolisse à notre tour...") Il y a deux ou même trois types d'enjeux, ici, que la discussion a d'ailleurs aidé à faire ressortir (je crois aux vertus des discussions...) - qui doit décider ; - selon quelle procédure ; - en s'appuyant sur quels arguments. Sur le "qui", je suis tenté de dire : le public devrait avoir un mot à dire, en dialogue avec les experts si on y tient. Mais je me méfie des experts en art contemporain pour les raisons dites dans les messages précédents. Ils sont souvent mus par leurs querelles d'école et leurs intérêts corporatistes (établir leur autorité en faisant taire les "ignorants"), avec un royal mépris pour des considérations pragmatiques ou pour le souci de plaire aux simples mortels qui n'ont pas de doctorat en histoire de l'art. L'essentiel pour moi reste le but visé. Les citadins me semblent demander à un parc ou une place publique un peu de nature, d'ombre, de fraîcheur et de beauté, tout cela en un lieu agréable et sécuritaire. On est loin de l'avoir en ce moment, avec notre sinistre ode au brutalisme bétonné. Sans doute que l'environnement n'a pas aidé, mais je ne vois pas ce qui pourrait donner du charme à un lieu qui n'en a pas, ou rendre facile l'entretien d'une fontaine inutilement compliquée dans sa conception même. J'avoue tout à fait, par contre, que le projet actuel ne semble pas promettre mieux et qu'il serait sans doute judicieux d'attendre qu'on ait au moins un projet potable avant de passer à l'acte.
  23. C'est vrai qu'il y a un problème à laisser décider le maire à lui seul. Je suis d'ailleurs tout à fait contre cette histoire de cimetière pour animaux à l'Ile Ste-Hèlène, où le maire semble vouloir se mettre à quatre pattes pour complaire aux lubies d'un milliardaire. Mais je n'accepte pas non plus la thèse relativiste que vous semblez employer, selon laquelle les arguments échangés dans l'espace public seraient vains et une perte de temps. L'argument relativiste me paraît encore plus problématique s'il aboutit, au bout du compte, à remettre le pouvoir de décision aux "experts". Oui, il y a des opinions plus éclairées de gens qui ont réfléchi sur tel ou tel enjeu. Mais les soi-disants experts, surtout en ces matières, ne sont pas nécessairement plus "rationnels" que les autres. Car très souvent, les "experts" défendent avant tout leur propre intérêt. Les deux derniers textes que vous avez fournis sont de bons exemples de cela : ils sont en effet corporatistes d'un bout à l'autre. Des "experts" y jouent du coude pour qu'on reconnaisse leur autorité et qu'on respecte l'oeuvre d'un des leurs. L'analyse écarte d'emblée toute préoccupation venue du public, et même tout argument du type "un espace public se doit d'être apprécié et utilisé". On remplace cela par ce que j'appelle la sacralisation de l'art, fondement de l'autorité des "experts" en la matière. Ce n'est pourtant ni le maire, ni les experts, qui devraient compter le plus ici, mais le public. Et depuis trente ans le public a voté avec ses pieds et choisi de ne pas fréquenter un endroit jugé peu sécuritaire et sur-bétonné. Si les experts en aménagement étaient candides, ils avoueraient sans doute eux-mêmes qu'ils vont rarement pique-niquer au carré Viger...
  24. Merci Iluv pour les apports au débat. Les deux documents sont d'un grand intérêt pour faire ressortir une série d'enjeux autour de la notion d'art public. Comme le montrent ces textes, le discours "autorisé" sur l'art, aujourd'hui, est surtout produit par les départements universitaires d'histoire de l'art. Ce discours a deux a priori très forts : i- même si on ne l'admet pas toujours, persiste une conception romantique de l'artiste créateur dont le "génie" serait trop souvent incompris ; ii- une conception historienne de l'art, qui donne une grande importance à la succession des moments d'une oeuvre ou à la succession des courants artistiques. Sur la base de ces deux a priori se maintient l'idée - plus ou moins admise explicitement - que l'art est quelque chose de sacré et que son histoire est comme une histoire sainte. Les courants qui se veulent révolutionnaires continuent eux-mêmes - peut-être eux surtout, paradoxalement - de défendre une telle conception. L'avis de monsieur et madame tout le monde sera dès lors généralement écarté comme vulgaire, incompétent, irrationnel et populiste. Le fait qu'il s'agisse d'art public rend la chose étrange. L'art public devrait en effet convenir à un espace public, avant d'être un glorieux ajout au CV d'un artiste. Il devrait avoir des qualités qui en favorisent l'appropriation, et il devrait être minimalement solide, fonctionnel et durable pour justifier la dépense qu'il a entraîné. (Désolé, je suis vulgaire, je parle d'argent alors qu'il s'agit d'Art...) L'oeuvre de Daudelin a son charme sur des maquettes. Je ne doute pas qu'elle soit significative de "l'évolution de l'artiste", comme dit un des textes. Je ne doute pas non plus qu'il soit un exemple typique du brutalisme, ou peut-être du néo-brutalo-baroquisme. Oui, tout ça est vrai. Il y aurait des thèses à écrire là-dessus... Mais cette oeuvre mal aimée n'a jamais joué son rôle d'animation ou d'embellissement d'un espace public. Elle a plutôt contribué à la dégradation de ce secteur de la ville. Le respect de l'art, et la patience (un peu moins respectueuse) à l'égard du discours universitaire sur l'art, si souvent pédant et auto-référentiel, ne doit pas nous pousser au masochisme collectif qui consisterait à maintenir une erreur pour l'éternité.
  25. Un espace civique doit servir les citoyens et celui-là ne le fait pas, pour des raisons qui sont en grande partie structurelles. Telle que conçus, la fontaine a été d'emblée dysfonctionnelle et l'espace très peu invitant. Ce ne sont pas là des arguments faibles et superficiels, à moins qu'on méprise ses concitoyens. Maintenir éternellement un ratage manifeste sous prétexte qu'il s'agit d'une "oeuvre d'art" me paraît d'ailleurs découler d'une sacralisation malsaine de "l'art", ou même de "l'artiste", comme si l'expression d'une subjectivité personnelle devait l'emporter sur toute autre considération. Les artistes et l'art méritent le respect et souvent l'admiration, mais pas une vénération automatique qui fait taire tout le reste. À la limite, ce sont ceux qui élèvent quelque chose au rang d'absolu qui ressemblent aux fanatiques. Tout doit servir l'humain : voilà le critère de la civilisation. Il y a certainement mieux à faire avec cet espace.
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