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La naissance du « Mile-Ex » ou l’échec de l’urbanisme


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Article dans Urbania : https://urbania.ca/article/la-naissance-du-mile-ex-ou-lechec-de-lurbanisme/


La naissance du « Mile-Ex » ou l’échec de l’urbanisme

Quand les pelles mécaniques avancent beaucoup plus rapidement qu’un Conseil municipal.

Par Simon Van Vliet

mardi 22 janvier 2019

On s’inquiète beaucoup, depuis quelques semaines, de l’avenir des ateliers d’artistes du très branché «Mile-Ex». Le fait est qu’on aurait pu intervenir il y a longtemps pour éviter de laisser le redéveloppement de ce quartier entre les mains des promoteurs qui menacent de faire des artistes les plus récentes « victimes du développement immobilier ».

Des artistes ont commencé à s’installer dans les anciennes usines du secteur Marconi-Alexandra dès le début de la désindustrialisation de cet ancien quartier manufacturier, dans les années 1990.

Au début des années 2000, Marconi-Alexandra, mieux connu aujourd’hui sous l’appellation en vogue «Mile-Ex», était un quartier déstructuré, peu attrayant et en pleine désindustrialisation.

C’était bien avant l’arrivée du bar Alexandraplatz ou du restaurant Manitoba, qui contribuent aujourd’hui à faire de ce quartier une destination courue tant par les yuppies à la recherche d’un condo que par les hipsters amateurs de food trucks. Il y a 20 ans, ce n’était pas encore le «quartier des architectes», et les condos «de prestige» (ou de carton-pâte, c’est selon) n’avaient pas encore commencé à y pousser comme des champignons.

Le Big Plan

En 2008, l’arrondissement de Rosemont – La Petite-Patrie semblait enfin prendre la mesure des problèmes de cet ancien secteur manufacturier. Dans son plan d’urbanisme, l’arrondissement disait vouloir s’attaquer à l’enclavement historique et aux problèmes de cohabitation entre les fonctions résidentielles et industrielles du quartier.

Si on prenait alors acte du potentiel de revitalisation du secteur, on faisait bien peu de cas des préoccupations exprimées par la population locale depuis le début des années 1990, notamment quant au manque flagrant de commerces de proximité, et à l’absence d’espaces verts ou de logements sociaux.

Au même moment, l’ancienne gare de triage d’Outremont, qui borde l’Ouest du secteur, amorçait une grande transformation. L’Université de Montréal avait décidé d’y construire un nouveau campus. L’effet spéculatif de cet immense chantier s’est fait sentir presque immédiatement dans Marconi-Alexandra: les promoteurs immobiliers ont sorti les pelles mécaniques et mis en chantier des centaines de condos.

De quartier industriel à quartier techno

Le résultat était prévisible: ce qui était en grande partie un quartier de locataires à faible revenu est devenu un quartier de propriétaires de classe moyenne-élevée. Une étude menée par le professeur Ted Rutland de l’Université Concordia, en collaboration avec le Comité logement de la Petite-Patrie montre comment, en 10 ans à peine, une «classe créative» aisée et éduquée a remplacé la population ouvrière à faible revenu, souvent immigrante, installée de longue date dans le quartier.

La menace qui pèse maintenant sur le maintien dans le quartier des ateliers d’artistes abordables n’est que la suite logique du processus d’embourgeoisement, qui semble complètement hors de contrôle depuis que la bulle de l’intelligence artificielle a commencé à gonfler.

La «cité de l’intelligence artificielle», premier complexe regroupant des entreprises du secteur, est d’ailleurs née après qu’un projet de transformation d’une ancienne usine textile en condo ait avorté.

Le chant des bulldozers

Comme le plan d’urbanisme de 2008 avant lui, le plan de développement urbain, économique et social pour les abords du nouveau campus Outremont de 2013 a rapidement été dépassé par la réalité du développement immobilier dans le secteur.

L’Office de consultation publique de Montréal avait d’ailleurs soulevé en cours de route de sérieux doutes sur la pertinence d’un processus que les promoteurs immobiliers semblaient ignorer complètement.

En 2013, le promoteur immobilier Olymbec a rasé du jour au lendemain (et sans permis) une friche établie sur une emprise ferroviaire du Canadien Pacifique. La Ville envisageait de transformer le terrain en parc… depuis 1992!

Alors que le bulldozer du progrès continue à avancer, la Ville semble toujours être à sa remorque. Réussira-t-on à empêcher que la bulle spéculative de l’intelligence artificielle ne chasse maintenant les artistes qui pensaient avoir trouvé ici un refuge face à l’embourgeoisement galopant du Mile-End?

Chose certaine, si rien n’est fait, les artistes seront expulsés du quartier, comme les locataires à faible revenu avant eux, et comme les milliers d’ouvrières et d’ouvriers du textile dont les emplois ont été délocalisés dans les années 1990-2000.

 

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Il y a 2 heures, Habsfan a dit :

ahhh les pauvres artistes! ;)

 

C'est quand même vrai qu'ils sont souvent responsables de la "coolitude" d'un quartier avant que tout le monde le découvre et que les branchés arrivent et finissent par jeter les artistes dehors.

Je ne rirais pas de leur importance. Des quartier qui n'ont plus de place pour les artistes sont des quartiers qui finissent par se pépèriser et commencent à vouloir vivre comme à la campagne : pas de bruit, pas de partys trop tard, pas de bars, pas de fêtes en dehors des dimanches après-midi après la messe (j'ironise), etc.

On en veut des artistes qui sont des agents de conservations de la vitalité active et créatrice d'un quartier. 

C'est pas Saint-Lambert qui fera la promotion de Mtl comme ville attrayante à l'international. C'est le quartier d'Arcade Fire et Leonard Cohen. 

Il faut leur conserver de la place, et s'arranger pour que ça reste, sans bloquer le développement of course.. 

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Il y a 6 heures, MtlMan a dit :

l faut leur conserver de la place, et s'arranger pour que ça reste, sans bloquer le développement of course.. 

"Il faut", oui mais comment?  C'est en discutant du comment que ça deviendra intéressant.  Je serai prêt à participer à la suite de la discussion à ce moment.

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  • 1 année plus tard...

Un autre article sur les locaux commerciaux du Mile-Ex

https://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/202002/01/01-5259252-mile-ex-de-petites-entreprises-chassees-par-des-geants-de-la-techno.php

Mile-Ex : de petites entreprises chassées par des géants de la techno

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PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE
Le dépanneur Le Pick-Up, avenue Waverly, dans le Mile-Ex

 

Publié le 02 février 2020 à 5h00
SUZANNE COLPRON
LA PRESSE

Drawn & Quarterly, micro_scope, Eastern Bloc, Alexandraplatz… La métamorphose accélérée du Mile-Ex provoque le départ de petites entreprises québécoises qui ont fait sa renommée.

« C’est le temps de partir », dit Peggy Burns, résignée.

L’éditrice de Drawn & Quaterly, la plus célèbre maison d’édition de bande dessinée et de romans graphiques au Canada, a appris qu’elle devait quitter l’immeuble qui abrite les bureaux de son entreprise à la fin de son bail, en juin. La bâtisse du Mile-Ex a été vendue le printemps dernier. Celui qui la détenait, Adam Steinberg, grand philanthrope montréalais, est mort subitement à l’âge de 51 ans, le 19 avril 2018.

Le nouveau propriétaire est californien : Spear Street Capital (SSC) conçoit et gère des bâtiments pour des entreprises du secteur des technologies. Fondée en 2001, SSC a aussi acquis, en août 2019, au coût de 153 millions (413,50 $ du pied carré), le complexe O Mile-Ex, qui héberge l’Institut québécois de l’intelligence artificielle, Element AI et l’Institut de valorisation des données, au 6650-6666, rue Saint-Urbain. 

Son souhait est de louer uniquement à des entreprises en intelligence artificielle, qui ont fait du Mile-Ex leur quartier général.

Le géant de l’informatique Microsoft, qui exploite un laboratoire de recherche en intelligence artificielle à Montréal, relocalise aussi ses bureaux dans le Mile-Ex. Quelque 200 employés vont occuper d’ici peu un espace de 32 000 pieds carrés, sur deux étages, rue Marconi.

« Si Adam n’était pas mort, on ne serait pas obligés de déménager, assure Peggy Burns. Le coût du loyer n’était pas un problème. On payait le prix normal. »

Défricheurs

La maison d’édition Drawn & Quarterly a été fondée en 1989 par Chris Oliveros dans le Mile End. Elle occupe un local de 4000 pieds carrés, au 2e étage du 6750, avenue de l’Esplanade, à mi-chemin entre le nouveau campus MIL de l’Université de Montréal et la Petite Italie. Quand elle y a installé ses bureaux, il y a 15 ans, le Mile-Ex n’avait rien de cool.

« C’était une zone largement industrielle, où de nombreux Italo-Québécois allaient jouer aux bocce dans le petit parc au coin de la rue dont ils avaient les clés », raconte Penny Pattison, copropriétaire du dépanneur Le Pick-Up, avenue Waverly, à l’angle de l’avenue Alexandra.

« C’est le quartier qui a changé le plus rapidement de Montréal », assure-t-elle. 

Ici, il y a une vingtaine d’années, un bungalow se vendait 125 000 $. Maintenant, le même bungalow est 600 000 $. Il y a très peu de propriétés à vendre. La rareté fait monter les prix.

— François Chicoine, courtier immobilier du groupe Sutton, à propos du Mile-Ex

Le Mile-Ex, qui s’étend de l’avenue du Parc à la rue Clark, entre la rue Jean-Talon et les voies ferrées, n’avait même pas de nom. Il s’est appelé Marconi-Alexandra, puis WeLIta (à l’ouest de la Petite Italie), mais aucune de ces deux appellations ne s’est imposée.

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PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE
Le dépanneur Le Pick-Up, avenue Waverly, dans le Mile-Ex

Le nom Mile-Ex, né de la contraction des noms de deux quartiers voisins, Mile End et Parc-Extension, a été inventé par des courtiers immobiliers « pour donner du cachet au quartier », affirme Penny Pattison, dont le dépanneur n’a rien perdu de son look d’antan : même petit espace encombré aux murs en préfini, mêmes petits tabourets ronds recouverts de similicuir coloré, alignés derrière un comptoir où l’on sert des sandwichs, parmi les meilleurs en ville.

Branchitude

Penny Pattison connaît tout le monde dans le coin, où elle a pris racine il y a 12 ans. Elle a racheté ce dépanneur avec Bernadette Houde à une époque où rien ne laissait entrevoir que ce quartier allait devenir celui de l’intelligence artificielle à Montréal, des restos branchés et de l’architecture contemporaine.

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PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE
La terrasse du bar Alexandraplatz, qui a fermé ses portes à la fin de la saison dernière

C’est d’ailleurs elle et sa copropriétaire qui ont créé et géré pendant sept ans une des adresses les plus célèbres du secteur, l’Alexandraplatz, inspirée des Biergärten allemands, où l’on organisait régulièrement des événements en plein air. Le bar, fermé durant l’hiver, occupait un vaste espace industriel appartenant aux propriétaires de la Brasserie BMV, au 6371, avenue de l’Esplanade. L’été, la porte du garage s’ouvrait, les tables communes sortaient et l’endroit se remplissait.

L’Alexandraplatz a fermé définitivement à la fin de la saison dernière parce que les propriétaires avaient mis l’immeuble en vente.

« On était très tristes. On a vraiment mis beaucoup d’énergie là-dedans pour développer la clientèle. On a adoré ça », dit Penny Pattison, femme d’affaires originaire du nord de l’Ontario.

« Vraiment triste »

En revanche, Le Pick-Up ne risque pas de fermer. Du moins, pas avant longtemps. Le bail signé en 2018 est d’une durée de 10 ans. Mais comme on sait, les baux commerciaux ne jouissent d’aucune protection, contrairement aux baux résidentiels, et peuvent être résiliés du jour au lendemain.

Je trouve ça vraiment triste. À Montréal, dans des quartiers comme le Mile End et le Mile-Ex, il y avait quelque chose de vraiment spécial, d’unique, à cause des petites entreprises qui s’y étaient installées. Aujourd’hui, ces mêmes entreprises doivent partir parce que les loyers doublent et triplent et que les propriétaires vendent leurs immeubles.

— Penny Pattison, copropriétaire du dépanneur Le Pick-Up

La boîte micro_scope, qui a notamment produit les films Incendies, de Denis Villeneuve, et Monsieur Lazhar, de Philippe Falardeau, occupe des locaux dans le même immeuble que l’éditeur Drawn & Quarterly, avenue de l’Esplanade. Elle doit aussi déménager à la fin de son bail.

Où ces entreprises se relogeront-elles ?

En ce qui concerne la maison Drawn & Quarterly, elle a trouvé un nouveau local, deux fois plus petit, mais au même prix le pied carré, rue Saint-Denis, près de Jean-Talon, dans lequel elle compte s’installer en février.

Direction Chabanel

Le centre d’artistes Eastern Bloc, qui loge dans un très grand local d’un immeuble de la rue Clark, près de Jean-Talon, doit aussi partir. Le bâtiment qu’il occupe depuis sa création, il y a 12 ans, a été acheté par un promoteur immobilier qui désire poursuivre son expansion. Ce dernier a déjà acquis plusieurs immeubles situés dans le quadrilatère compris entre les rues Clark, Jean-Talon, Saint-Urbain et De Castelnau. Son but : construire des condos et des lofts.

Malgré tout, la directrice générale d’Eastern Bloc, Marie-Michèle Fillion, voit les choses positivement.

« À l’époque, quand on a déménagé ici, tout se passait sur le Plateau. Les gens nous disaient : “Où est-ce que vous vous en allez ? On ne viendra jamais ici, c’est beaucoup trop loin.” »

Eastern Bloc a contribué à augmenter la notoriété du quartier. Donc, quand on a su qu’on devait déménager, on a sondé nos artistes et notre clientèle.

– Marie-Michèle Fillion, directrice générale d’Eastern Bloc

Direction : quartier Chabanel, où il y a énormément d’espaces commerciaux à louer. « Notre propriétaire a dans son parc immobilier 2,5 millions de pieds carrés d’espaces à louer », précise Marie-Michèle Fillion, dont le centre d’artistes a signé un bail de 10 ans pour un local de 4500 pieds carrés sur deux étages, ayant pignon sur rue.

Peggy Burns, de Drawn & Quarterly, a aussi songé à déménager dans ce secteur de la ville, où les prix sont encore abordables. Mais elle y a renoncé, de peur d’être à nouveau chassée par des entreprises technologiques. « On s’est dit qu’éventuellement, les entreprises en intelligence artificielle allaient s’y installer, dit-elle en éclatant de rire. On a décidé de ne pas y aller. »

Le maire de Rosemont est inquiet

Maire de Rosemont–La Petite-Patrie, François Croteau s’inquiète de la hausse fulgurante des prix dans le Mile-Ex et du départ forcé de plusieurs petites entreprises. « Il faut protéger les emplois locaux et donner accès aux start-up », affirme-t-il. En 2007, quand les industries du textile ont fermé leurs portes, l’arrondissement a adopté une série de mesures pour prévenir la spéculation et protéger les anciennes usines convoitées par les promoteurs immobiliers. Objectif : s’assurer que ces locaux conservent leur vocation commerciale. « Cela a permis d’éviter les hausses de prix et favorisé la relance économique, explique le maire. Le revers, c’est l’emballement. Aujourd’hui, les joueurs se précipitent dans le secteur, comme Spear Street Capital. Ça fait grimper les prix et les loyers des petites entreprises. » Le quartier Mile-Ex exerce aujourd’hui une attraction folle auprès des entreprises liées au développement de l’intelligence artificielle. Que faire ? M. Croteau souhaite créer un comité multipartite avec tous les acteurs – résidants, start-up, élus, promoteurs, etc. – pour doter le Mile-Ex d’une vision d’ensemble. « Les investisseurs ont tout à perdre de voir quitter les acteurs qui ont dynamisé ce secteur », assure-t-il.

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