Atze Posté(e) 10 août 2009 Partager Posté(e) 10 août 2009 L'entrevue - Réapprendre à rêver la ville Le Devoir Fabien Deglise Édition du lundi 10 août 2009 Mots clés : Ville, Lucie K. Morisset, Urbanisme, Municipalité, Édifice, Québec (province) L'urbaniste Lucie K. Morisset déplore la montée en flèche d'un pragmatisme urbain paralysant L'urbaniste Lucie K. Morisset Photo: Jacques Grenier C'est le drame d'une époque. À trop avoir le nez collé sur la collecte des ordures, le ramassage de la neige, l'installation de compteurs d'eau, le remplissage des nids-de-poule ou la recherche impossible d'un consensus autour de la construction d'un banal immeuble de dix étages, Montréal semble avoir perdu sa capacité à rêver son avenir. Et cette «pathologie collective» pourrait même devenir une tare transmise de génération en génération. À moins d'un changement de cap radical, estime Lucie K. Morisset, de la Chaire de recherche en patrimoine urbain à l'Université du Québec à Montréal (UQAM). «C'est à travers la ville que les humains, depuis toujours et au contact de l'architecture urbaine, façonnent leur identité. C'est aussi par cet espace qu'ils se sont projetés dans l'avenir en développant un environnement physique, bâti, qui correspond à leur vision d'un meilleur vivre ensemble», résume l'universitaire, spécialiste de l'imaginaire urbain et des paysages construits. «Les grandes utopies sociales passent par les villes», mais Montréal semble depuis plusieurs années y être totalement indifférent. Normal. C'est que, loin d'être seulement la capitale du design, la métropole culturelle ou la ville des festivals qu'elle prétend être, «la plus grande métropole francophone d'Amérique», comme le disent les manuels de géographie, se poserait surtout aujourd'hui comme un problème de gestion plutôt que comme une question de civilisation. Un phénomène qui touche d'ailleurs les villes en général, un peu partout sur la planète. Et Montréal en particulier. «C'est naturel, dit Mme Morisset, rencontrée la semaine dernière sur une terrasse ensoleillée du centre vibrant de la ville. Les eaux usées, le transport, les poubelles, la neige, ce n'est pas le gouvernement fédéral qui va s'en occuper. C'est le municipal.» La réalité de la proximité est imparable. Mais elle s'accompagne aussi d'une montée en flèche du pragmatisme urbain. Pragmatisme qui «s'est développé partout dans les villes sous la pression des gestionnaires, mais également d'un courant sociologique influent [dans les administrations publiques] qui appréhende la ville de manière descriptive et surtout dans toute sa technicité», poursuit celle qui, en septembre prochain, participera à un colloque international sur le thème La Ville, objet de représentation, à l'UQAM. «Or, d'un point de vue épistéÄmologique, nous avons peut-être développé trop d'outils de mesure qui bloquent aujourd'hui notre capacité à rêver.» Dans un village de la Beauce, de la Montérégie ou de la Gaspésie, l'approche est certainement valable, tout en étant d'ailleurs soutenue par les habitants du coin, selon elle. Mais, dans de grands espaces, comme celui représenté par une île et sa couronne, ce serait une autre histoire. «On s'attend là à ce qu'il y ait une vision d'ensemble, un projet collectif qu'on a de la difficulté à cerner pour le moment, dit Mme Morisset. Mais peut-être est-ce parce que nous sommes trop bien? Et qu'on ne peut pas, du coup, s'imaginer meilleurs?» La dictature du ici-maintenant Une île, plein de villes, et pas de vision. La critique est connue. Elle s'expliquerait aussi par le «présentisme» de notre temps. En rupture avec le futurisme des décennies passées -- où la série britannique Cosmos 1999 racontait l'avenir --, cette autre façon d'appréhender le réel, définie par l'historien français François Hartog, illustre l'incapacité collective à se projeter et à anticiper l'avenir. Le phénomène serait d'ailleurs palpable au contact des nombreuses contestations et levées de boucliers qui, depuis plusieurs années, accompagnent chaque projet de construction d'immeubles, de prolongement d'autoroutes ou d'installation d'oeuvres d'art dans un parc, que la proposition ait de l'envergure ou non. «C'est un problème, lance Mme Morisset. Montréal ne développe pas des projets, mais des oppositions. Oppositions, d'ailleurs, face auxquelles tout le monde finit par s'écraser... certainement parce qu'il n'y a pas de vision au départ.» L'équation est terrible. Elle laisse aussi plusieurs terrains en jachère à Montréal, en plus de trouver sa source dans un paradoxe très contemporain, selon elle, alimenté par l'engouement tout aussi moderne pour... la démocratie participative. «Aujourd'hui, quand on dit parler de patrimoine, en fait, on parle de démocratie participative, résume l'universitaire. Le hic, en tenant compte de plein de points de vue, c'est qu'on s'oppose forcément à une vision unitaire des choses. La culture du consensus entraîne un éclatement de l'espace public.» Pis, sous l'effet d'une minorité d'opposants, c'est finalement toute la collectivité qui, selon elle, finit par pâtir d'un «horizon urbain bouché». «Et là, on est à des années-lumière de la démocratie participative», estime l'historienne de l'urbanité, qui déplore au passage cette peur chronique de la contestation. «Au moment de sa construction, le Château Frontenac, à Québec, a été qualifié de "verrue du Vieux-Québec", dit-elle. Aujourd'hui, il est devenu une représentation de la nation.» Le marketing urbain Fait étonnant: c'est dans ce vide que le marketing urbain trouve désormais un terreau fertile pour s'imposer comme substitution au manque de vision, avec ses concepts de «Quartier des spectacles» ou de «Montréal, ville de design», érigés en objectif commun. «C'est du branding, de la stratégie de marque. Mais ça nous amène aussi à confondre marketing et urbanisme, et ça ne règle rien.» Or, l'inertie, pour plusieurs observateurs de la scène urbaine qui voient suinter des murs de la ville, commence doucement à éveiller l'impatience, mais aussi à alimenter les appels au passé, à l'époque où Montréal était un laboratoire de modernité, ou les regards ailleurs (Barcelone ou Berlin) pour démontrer que l'herbe est plus verte chez les voisins. «Dans un cas, c'est la recherche d'une recette, dans l'autre, c'est l'espoir d'un retour en arrière», dit Mme Morisset, qui pense plutôt que la planche de salut est avant tout dans un «changement dans la gouvernance municipale», par exemple. «Il faut détacher la représentation politique du travail des fonctionnaires», et ce, pour sortir enfin le maire de la neige et des ordures ménagères afin de lui permettre de mieux représenter la ville, de parler développement et surtout... d'avoir une vision. «Un peu comme Jean-Paul L'Allier l'a fait à Québec», poursuit-elle. Dans cette optique, Montréal devrait aussi, selon elle, apprendre à être à l'avenir une «ville de représentation» plutôt que de gestion, mais aussi à redonner le goût de rêver à ses habitants «en cessant de ne pas terminer tout ce qu'elle commence», dit la spécialiste du patrimoine. «Ce serait un bon début. Si on arrivait à compléter un projet de développement, cela pourrait nous rassurer sur notre capacité à accomplir des choses.» Et d'ajouter: «Nous avons peut-être besoin d'une psychanalyse sociale qui va nous éviter de transmettre notre incapacité à penser l'avenir aux générations suivantes.» Des générations qui, dans une logique urbaine historique, s'attendent à voir, demain, dans la brique des bâtiments, le béton des trottoirs ou le vert des parcs, ce à quoi leurs prédécesseurs ont rêvé aujourd'hui. «La ville, c'est là où l'on construit tout ce qu'on pense qui va arriver demain», dit Mme Morisset. Et à Montréal, ce demain serait encore aujourd'hui un grand terrain vague. http://www.ledevoir.com/2009/08/10/262269.html Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Habsfan Posté(e) 10 août 2009 Partager Posté(e) 10 août 2009 C'est que, loin d'être seulement la capitale du design, la métropole culturelle ou la ville des festivals qu'elle prétend être, «la plus grande métropole francophone d'Amérique», Ça me fais rire à chaque fois que je vois ce terme utilisé pour Montréal. C'est un peu normal qu'elle soit "la plus grande Métropole francophone d'Amérique"...c'est la SEULE métropole francopohone d'Amérique! Dans cette optique, Montréal devrait aussi, selon elle, apprendre à être à l'avenir une «ville de représentation» plutôt que de gestion, mais aussi à redonner le goût de rêver à ses habitants «en cessant de ne pas terminer tout ce qu'elle commence», dit la spécialiste du patrimoine. «Ce serait un bon début. Si on arrivait à compléter un projet de développement, cela pourrait nous rassurer sur notre capacité à accomplir des choses.» Très bon point! Ce serait un bon début! Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
yarabundi Posté(e) 10 août 2009 Partager Posté(e) 10 août 2009 «Les grandes utopies sociales passent par les villes», mais Montréal semble depuis plusieurs années y être totalement indifférent. Des édifices comme Habitat '67 sont issus de cette philosophie. Maheureusement, j'ai l'impression qu nous n'oserions pas construire un tel édifice en 2009 !! La culture du consensus entraîne un éclatement de l'espace public.» Voilà qui résume bien le problème de Montréal. J'ai quasiment envie de mettre ça dans ma signature tiens !! «La ville, c'est là où l'on construit tout ce qu'on pense qui va arriver demain», dit Mme Morisset. Et à Montréal, ce demain serait encore aujourd'hui un grand terrain vague. Ouch !! Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
WestAust Posté(e) 10 août 2009 Partager Posté(e) 10 août 2009 Des édifices comme Habitat '67 sont issus de cette philosophie. Maheureusement, j'ai l'impression qu nous n'oserions pas construire un tel édifice en 2009 !! C'est sur, ca ne cadre pas dans le décor, ca jure avec l'environnement, il n'y a pas assez de logement social d'inclus, c'est trop haut, ca cache une partie de la vue du mont-royal en partant de l'ile notre-dame... Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Malek Posté(e) 10 août 2009 Partager Posté(e) 10 août 2009 Je le redis pour la 37892984ième fois, la seule solution pour Montréal et le Québec c'est un désengagement des gouvernements, il faut réduire sensiblement l'appareil réglementaire et bureaucratique. Y a pas d'autres issues. Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
yarabundi Posté(e) 10 août 2009 Partager Posté(e) 10 août 2009 Tu peux toujours rêver. Par contre, ça prend des gouvernements qui aient une vision et qui gouvernent envers et contre tous les NIMBY's et qui persistent et signent même au risque de devenir impopulaire. Trop de nos politiciens gouvernent en regardant les sondages et en calculant leurs chances d'être réélus !! Citer Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Messages recommendés
Join the conversation
You can post now and register later. If you have an account, sign in now to post with your account.