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Charest : Le vertige après la semaine que la région de Montréal vient de connaître


ErickMontreal

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Le vertige

Publié le 06 février 2009 à 06h54 | Mis à jour le 06 février 2009 à 06h55

 

Sous la torture d'un dentiste sadique, Jean Charest ne l'avouerait pas. Mais en son for intérieur, le premier ministre doit pousser un immense soupir de contentement. Même si tout le monde râlait contre une deuxième campagne électorale à l'automne, qu'est-ce qu'on a bien fait de déclencher les élections!

 

Aucun élu ne voudrait subir le jugement de l'électorat après la semaine que la région de Montréal vient de connaître, comme l'avaient calculé avec justesse les stratèges libéraux. Pour paraphraser un certain député français, la métropole a le moral à terre.

 

Ici comme ailleurs, les licenciements se succèdent avec la régularité d'un métronome. Le Canada aurait perdu près de 40 000 emplois depuis le début de l'année, estiment les économistes. On le saura avec précision ce matin, lorsque Statistique Canada dévoilera les données de janvier.

 

Mais certaines mises à pied font plus mal que d'autres. Les pertes d'emplois en aéronautique sont de celles-là. Même si son économie est diversifiée, le Québec compte sur son industrie vedette pour passer au travers de cette crise qui frappe durement le secteur manufacturier.

 

À l'automne, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain prévoyait que les exportations du secteur aérospatial progresseraient de 7,1% cette année contre 5,8% en 2008. Et aussi récemment que cette semaine, le directeur de l'analyse économique à la Banque TD, Derek Burleton, affirmait que les constructeurs en aéronautique permettraient au Québec de s'en tirer à moindre mal.

 

Que deux des grands donneurs d'ordre mettent à pied, à trois jours d'intervalle, plus de 1300 salariés dans la grande région de Montréal témoigne de la dégradation rapide de l'économie. Aussi, les prévisions d'hier prennent-elles maintenant l'allure de voeux pieux.

 

Pour autant, les mauvaises nouvelles chez Bell Helicopter Textron et Bombardier Aéronautique ne constituent pas des surprises.

 

Même si les avions d'affaires sont des outils de travail qui permettent de gagner un temps précieux, ils représentent une dépense éminemment vulnérable en récession. Surtout quand le jet d'entreprise est devenu, à Washington, un symbole des excès des grands patrons de Detroit et de Wall Street.

 

Après avoir été renflouée, Citigroup ne vient-elle pas d'annuler l'achat d'un jet de Dassault? Après avoir condamné 900 cafés, la chaîne Starbucks ne vient-elle pas de mettre en vente son jet Gulfstream? Etc.

 

Plutôt que d'acheter un jet privé, les entreprises peuvent toujours louer un avion ou le partager. Les reports de livraison et annulations se multiplient. Ainsi, aucun constructeur de jet d'affaires n'a été épargné. Par exemple, le constructeur Cessna a déjà licencié 4600 salariés, le tiers de son personnel. Ce n'était donc qu'une question de temps avant que Bombardier ne ralentisse la cadence de production de ses jets d'affaires pour étirer son carnet de commandes.

 

Il n'y a aucune surprise non plus du côté de Bell Helicopter. Les sociétés d'exploration pétrolières comptent parmi les plus grands acheteurs d'hélicoptères. Leur fortune est intimement liée au prix du baril de pétrole, qui s'est affaissé à près de 40 dollars.

 

Aux problèmes de l'industrie s'ajoutent les ennuis particuliers de Bell Helicopter. Ce constructeur qui a longtemps prétendu au titre de plus grand fabricant d'hélicoptères civils au monde ne cesse de perdre du terrain. Tandis qu'il abandonnait des modèles, ses concurrents élargissaient leur gamme d'appareils. Triste.

 

Les 500 mises à pied annoncées lundi par Bell Helicopter, d'une durée de trois mois, sont censément temporaires. Mais à moins d'une flambée du prix du carburant, à la faveur d'une improbable étincelle comme une guerre en Iran, on voit mal comment l'entreprise rappellera ces travailleurs le printemps venu.

 

Bombardier a aussi cherché à se montrer rassurante hier. Elle a annoncé une hausse de sa production d'avions régionaux turbopropulsés (à hélices). Mais ces avions de la série Q400 sont assemblés à Toronto, ce qui fait une belle jambe à Montréal.

 

L'avionneur montréalais a aussi révélé qu'elle avait plus de 730 postes à combler, liés au développement d'avions et à son centre de finition. Ainsi, ces offres d'emploi feraient plus que contrebalancer les mises à pied.

 

(Toutefois, il est douteux que les employés mis à pied puissent postuler sur ces emplois. Bombardier remercie des machinistes, alors qu'elle recherche des ingénieurs, des rembourreurs et des ébénistes pour finir les meubles.)

 

Mais cette équation repose sur un grand si, soit le décollage de la nouvelle famille d'avions commerciaux CSeries, qui semble de plus en plus incertain.

 

Bombardier développe trois appareils de front: le Learjet 85, un jet d'affaires, le CRJ10 000, son plus grand jet régional, et la CSeries. Les coûts de développement de ces avions se sont élevés à 138 millions au troisième trimestre. Mais il est clair que c'est la CSeries qui accapare actuellement le plus de ressources

 

Or, les commandes sont encore indétectables au radar, plus de sept mois après le lancement officiel du projet. Bombardier avait pourtant affirmé qu'elle ne se lancerait pas dans cette aventure nécessitant un investissement de 3,3 milliards US avant d'avoir en poche des commandes fermes portant sur un minimum d'une cinquantaine d'appareils venant d'au moins trois transporteurs différents.

 

La fameuse lettre d'intérêt de Lufthansa n'engage en rien ce transporteur allemand, le client de départ pressenti, même si les dirigeants de Bombardier répètent depuis des mois que la signature d'un contrat définitif est imminente. Dans l'attente de commandes fermes, journalistes et analystes en sont ainsi venus à épier les moindres faits et gestes d'Eznis Airways, un transporteur mongol qui s'intéresse à la CSeries, selon la rumeur. Cela ressemble pas mal à du désespoir.

 

Le problème, c'est que Bombardier n'est pas seule dans le bateau. Elle a aussi entraîné Pratt & Whitney, qui fabriquera le moteur de la CSeries dans son usine en construction à Mirabel. Ainsi, le Québec a beaucoup d'oeufs dans le même panier.

 

On ne claquerait pas autant d'argent si on n'était pas sûr de notre coup, font valoir en substance les dirigeants de Bombardier. Mais en attendant que les commandes de la CSeries se matérialisent, le Québec tout entier est pris de vertige.

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