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Relancer l'économie avec les infrastructures ?


ErickMontreal

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Relancer l'économie avec les infrastructures ?

 

22 janvier 2009 - 06h33

La Presse

Stéphane Paquet

 

Après avoir abaissé son taux directeur à 1% mardi, la Banque du Canada a prévenu que l'économie canadienne se contracterait de 1,2% cette année.

 

Face à ces prévisions moroses, les yeux se tournent vers le ministre des Finances, Jim Flaherty, qui a promis d'appuyer sur l'accélérateur mardi prochain, avec la présentation d'un budget expansionniste. Son discours doit notamment contenir des dépenses en infrastructures et des baisses d'impôts. Laquelle de ces options peut le plus relancer une économie qui s'enlise?

 

Automne 2007. Le gouvernement fédéral s'apprête à faire un cadeau aux consommateurs canadiens, en baissant la TPS de 6% à 5%.

 

Le maire de Maniwaki Robert Coulombe, qui est par la suite devenu président de l'Union des municipalités du Québec, saute dans sa voiture et se rend à Québec. Il veut convaincre les trois partis à l'Assemblée nationale de mettre la main sur ce pactole d'un peu plus d'un milliard de dollars et de créer un fonds qui permettra de réparer les infrastructures municipales.

 

L'UMQ n'a pas réussi à convaincre Québec. Les Québécois ont eu droit à leur baisse de TPS. Les routes, les ponts, les aqueducs et les égouts vieillissants ont dû attendre, l'aide supplémentaire n'est pas venue.

 

Mardi, quand le ministre Flaherty présentera son budget, à Maniwaki comme dans les autres villes du pays, les maires devraient être plus chanceux que ne le fut la délégation de l'UMQ à l'automne 2007. Dans ses quelques déclarations claires sur le contenu de son budget, le ministre n'a pas caché qu'il y aurait de l'argent pour les infrastructures.

 

«C'est la meilleure façon de mettre les gens à l'emploi et de créer de l'activité économique», souligne M. Coulombe, du cellulaire de sa voiture.

 

Il n'est pas le seul à attendre avec espoir les milliards d'Ottawa. Une majorité d'économistes pensent aussi que c'est le meilleur moyen de relancer l'économie canadienne qui s'enlise. Yves St-Maurice, économiste en chef adjoint chez Desjardins, est de ceux-là. «Ce qui est important, c'est qu'on injecte de l'argent rapidement, de façon efficace dans l'économie et de le faire directement.»

 

Pour lui, c'est aux gouvernements à agir, pas aux consommateurs par l'entremise d'une baisse d'impôt. De plus, comme Barack Obama l'a fait en mettant l'accent sur l'environnement et l'énergie, les investissements gouvernementaux permettent aux autorités de donner une direction à l'économie, de les insérer dans "une vision à moyen terme de ce que va être l'économie dans trois ou cinq ans".

 

Compte tenu de l'état actuel de l'économie, tout le monde s'entend sur le fait qu'Ottawa doit prendre des mesures qui auront un effet rapidement. Depuis la semaine dernière, le ministre fédéral des infrastructures, John Baird, répète même qu'il est prêt à revoir des lois sur la protection de l'environnement pour s'assurer que les projets décolleront rapidement. Aussi, il espère s'entendre avec les provinces pour éviter que les impacts environnementaux ne soient étudiés deux fois, une première par les provinces, une seconde par le fédéral.

 

Selon les calculs de M. St-Maurice, il faut environ 15 milliards d'investissements annuels pour augmenter le PIB de 1%. D'autres plus optimistes, qui attribuent un plus grand impact aux dépenses d'infrastructures, parlent plutôt de 12 milliards. Les pessimistes font état de 20 milliards.

Pas tout dans le même panier

 

L'économiste en chef de Valeurs mobilières Laurentienne, Carlos Leitao, classé deuxième meilleur économiste au monde par Bloomberg l'automne dernier, était aussi grandement favorable aux dépenses d'infrastructures pour relancer l'économie. Notez bien le temps du verbe ici: était, à l'imparfait. «Oui aux infrastructures, mais je ne mettrais pas tous mes oeufs là-dedans», dit-il.

 

Ce qui l'a récemment fait changer d'avis, en partie du moins, c'est l'ampleur du déficit anticipé à Ottawa, autour de 40 milliards. M. Leitao craint qu'Ottawa ne se mette à trop dépenser, qu'il y ait du gaspillage. «Il y a un risque qu'on fasse des routes vers nulle part», dit-il, en référence au "pont vers nulle part" rendu célèbre par Sarah Palin en Alaska.

 

Une autre crainte, c'est qu'Ottawa arrive avec un gros projet. «Les études nous démontrent, dit-il, que ce qui est vraiment efficace pour stimuler l'économie, c'est une multitude de petits projets. Plus qu'un gros.»

 

Il y a aussi un autre risque qui vient à l'esprit quand on écoute M. Coulombe, de l'UMQ: l'inflation. Si tous les gouvernements - fédéral, provincial, municipal - veulent des bétonnières dans leur cour arrière, les coûts risquent d'augmenter.

 

Déjà, avec le programme québécois d'infrastructure lancé à la suite de l'écroulement du viaduc de la Concorde en 2006, les villes remarquent que les travaux coûtent «de 5% à 10% plus cher», selon le président de l'UMQ. «C'est une préoccupation... C'est l'ensemble des membres qui nous disent que les coûts des travaux sont plus importants.»

 

Bémol de l'économiste de Desjardins: le secteur de la construction ayant ralenti ces derniers mois avec une perte de 44 000 emplois pour le seul mois de décembre, il y a une marge de manoeuvre.

 

En plus de remettre du monde au travail, les travaux d'infrastructures ont d'autres avantages. D'abord, on peut arrêter de dépenser quand l'économie est relancée. Aussi, les gouvernements peuvent récupérer 35% de leurs dépenses en économies et en retombées fiscales, selon les chiffres des municipalités. Enfin, les dépenses laissent un héritage concret.

 

Le maire de Maniwaki en rêve, de cet héritage, lui qui est prêt à rénover son aqueduc, mais n'a pas les 2,5 millions nécessaires pour le faire. Et à voir les tuyaux qui pètent au grand froid à Montréal et d'autres villes du Québec cet hiver, on comprend que bien d'autres maires en rêvent aussi.

OTTAWA A D'AUTRES OUTILS DANS SON SAC

 

Faciliter le crédit

Les banques ont peur de prêter de l'argent? Il faut en injecter par un autre canal pour que les entreprises puissent emprunter et investir.

 

C'est ce qui s'est produit en novembre quand Ottawa a annoncé un investissement de 350 millions de dollars dans la Banque de développement du Canada. Lundi, Ottawa a confirmé avoir versé 250 millions à la BDC, les 100 autres millions le seront plus tard.

 

Avec cette première tranche, la BDC estime qu'elle pourra offrir 1,5 milliard de financement aux PME canadiennes. «Ça demeure une estimation», explique Michel Bergeron, vice-président aux relations d'entreprise de la BDC, qui précise que la somme totale qui sera consentie dépendra du niveau de risque des prêts.

 

Ottawa pourrait mardi prochain revenir à la charge avec de l'argent supplémentaire pour aider les entreprises à se financer. La BDC compte 28 000 clients.

 

Recycler les travailleurs

 

L'idée, toute simple en apparence, c'est de prendre des travailleurs d'une industrie en déclin et les former pour qu'ils aillent combler les postes de secteurs en croissance. Le travail d'Ottawa et des provinces, c'est de s'assurer que les chômeurs trouvent des cours et puissent retourner vite sur le marché du travail.

 

En pratique, de tels programmes ont parfois donné des résultats mitigés dans un passé pas si lointain. Des travailleurs de l'industrie forestière de Lebel-sur-Quévillon, qu'on a formés pour devenir mineurs, se sont retrouvés le bec à l'eau quand la mine n'a plus eu besoin d'eux, les prix des matières premières ayant plongé comme celui du bois et du papier.

Bonifier l'assurance emploi

 

Pour que les personnes qui ont perdu leur emploi continuent à dépenser, donc à faire rouler l'économie, Ottawa pourrait augmenter les chèques d'assurance emploi. En plus, le gouvernement fédéral pourrait réduire le nombre d'heures de travail nécessaire avant d'être couvert par l'assurance. Le montant assurable pourrait aussi être plus élevé. Bref, en donner plus aux chômeurs.

 

Comme le souligne Carlos Leitao, de Valeurs mobilières Laurentienne, «ce sont des dépenses qui se font tout de suite». Et à peu près tout le monde s'entend sur la nécessité d'agir maintenant.

 

Ottawa a toutefois des réticences: il sera politiquement difficile de réduire les prestations une fois la crise passée.

 

Les cinq règles d'or pour relancer l'économie

 

1 Les mesures du gouvernement doivent être mises en place rapidement.

 

2 Il doit s'agir d'investissements plutôt que de dépenses.

 

3 Pour maximiser l'impact sur l'économie locale, les investissements doivent avoir une partie importée limitée (contre-exemple: investissement dans des machineries importées des États-Unis ou du Japon).

 

4 Les sommes injectées ne doivent pas être récurrentes, question d'éviter les déficits structurels.

 

5 Les investissements doivent être diversifiés afin d'éviter les pénuries de main-d'oeuvre, par exemple dans la construction.

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