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Pluie de chômeurs sur Londres

 

17 novembre 2008 - 07h12

La Presse

Richard Dupaul

 

Le Royaume-Uni se rapproche du seuil des deux millions de chômeurs, une preuve de plus que le pays s'enfonce dans une récession grave. Certains prévoient même trois millions de sans emploi d'ici peu... Les autorités devront recourir à des mesures sans précédent pour surmonter la crise.

 

Zéro pour cent. 0%.

 

Voilà où se retrouvera peut-être le taux d'intérêt directeur au Royaume-Uni d'ici quelques mois, tellement la conjoncture se détériore rapidement dans la deuxième économie européenne.

 

Des experts envisagent maintenant ce scénario "à la japonaise" alors que, il y a deux ou trois mois, il aurait paru complètement farfelu. La semaine dernière, le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mervyn King, n'écartait pas la possibilité que les taux tombent brusquement, voire à zéro.

 

«Le Royaume-Uni fait face à la récession la plus sévère du G7 et s'expose à la baisse la plus prononcée des taux», renchérit la Bank of New York Mellon dans une note économique parue jeudi. Qu'est ce qui a pu provoquer cette volte-face de Mervyn King, qui, il y a peu de temps, s'obstinait farouchement à lutter contre l'inflation en maintenant les taux élevés?

 

Un sommet de 11 ans

 

Le choc est survenu mercredi dernier. Les Britanniques ont alors appris que le chômage dans leur pays est à un sommet de 11 ans.

 

Selon l'Office national des statistiques, 1,83 million de Britanniques étaient sans travail au troisième trimestre, soit 140 000 de plus qu'au trimestre précédent.

 

Quotidiennement, des entreprises licencient des employés. Jeudi, le géant des télécommunications British Telecom a annoncé l'élimination de 10 000 emplois. Mardi, plus de 4500 suppressions de postes ont été annoncées, dont 2200 par Virgin Media; 300 par l'éditeur des Pages jaunes, 620 par le laboratoire GlaxoSmithKline...

 

«La queue de chômeurs s'accroît de 1000 personnes par jour», a affirmé à la presse britannique Brendan Barber, secrétaire général du mouvement syndical Trade Union Congress.

 

Le secteur financier, à lui seul, pourrait perdre 62 000 emplois d'ici à la fin de 2009. Cela contribuera à la chute de 14% du prix des maisons de luxe l'an prochain à Londres (ou de 30% en deux ans), selon une étude parue vendredi.

 

La barre des deux millions de chômeurs, au total, devrait être franchie au début de 2009.

 

Mais, dans les faits, la situation est probablement pire: près d'un million d'immigrés (des Polonais en grande partie) quitteront le Royaume-Uni dans les mois à venir à cause de la récession, soutiennent des groupes sociaux. Si on les inclut dans les chiffres officiels, le pays comptera sous peu trois millions de chômeurs, soit le double d'il y a 10 ans.

 

La chaîne de supermarchés Tesco a d'ailleurs confirmé ce phénomène et affirmé que le départ des Européens de l'Est «masque» l'ampleur du ralentissement économique.

 

Moteurs en panne

 

En présentant son rapport trimestriel la semaine dernière, quelques jours après la baisse historique de 1,5% de son taux directeur, à 3%, Mervyn King a promis de tout faire pour relancer l'économie: «Nous sommes prêts à encore abaisser les taux d'intérêt», a-t-il dit avec une franchise inhabituelle.

 

La Banque d'Angleterre a revu ses prévisions et table sur une récession qui se poursuivra en 2009.

 

Le Royaume-Uni, aux prises l'an dernier avec des prix à la consommation en forte hausse, fait même face à la déflation comme au Japon.

 

L'immobilier, la finance, la consommation - les moteurs de l'économie britannique - sont à l'arrêt. La dégringolade s'est amorcée à l'automne 2007.

 

Touchées par le gel du crédit, les banques britanniques ont fermé le robinet des prêts hypothécaires, qui garantissait un flux continu d'acheteurs de maisons.

 

Dans ce contexte, l'immobilier - réputé surévalué depuis longtemps en Angleterre - s'est retourné, ce qui a provoqué une crise de confiance dans les ménages.

 

Face à une conjoncture aussi sombre et à des taux d'intérêt à la baisse, la livre sterling est évidemment en chute libre. La devise britannique est passée sous la barre des 1,50$US mercredi, une première depuis six ans.

 

À une autre époque, un taux de change moindre aurait été une bonne nouvelle pour les exportations.

 

Mais le royaume d'Élisabeth II a changé: les Britanniques exportent moins de produits manufacturés qu'il y 20 ou 30 ans, l'expertise ayant plutôt évolué vers la construction, le pharmaceutique et les services financiers ces dernières années.

 

En somme, une pluie glaciale, déprimante, de mauvaises nouvelles s'abat sur les Britanniques. Leur pays est engagé dans une spirale négative dont il aura du mal à sortir.

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